Journalisme sous influence
C'était dans l'hebdomadaire "La Vie" de cette semaine.
Un article destiné à alerter "l'opinion publique" sur le sort d'Asia Bibi, une pakistanaise condamnée à mort par pendaison pour blasphème. (A défaut de l'article de
"La Vie", voir par exemple celui-ci, qui contient substantiellement les mêmes infos)
Loin de moi l'idée de mettre en cause la légitimité de ce cri d'alarme : il est incontestablement nécessaire, comme le sont l'ACAT ou Amnesty International.
Toutefois, dans le bandeau qui résume l'article, en haut de la page, deux points me laissent perplexe… il y est écrit :
"Pakistan. Le lundi 8 novembre dernier, un tribunal a prononcé la peine capitale pour une ouvrière agricole accusée à tort d'avoir critiqué le Prophète."
Probablement, le journaliste aura craint d'offenser les musulmans s'il n'attribuait pas à Mahomet le qualificatif de "prophète". Pourtant, ce terme, loin d'être neutre, est tout à fait partisan… c'est même la moitié de la profession de foi musulmane. N'eut-il pas mieux valu le désigner comme "le fondateur de l'Islam" ? C'eut été tout aussi respectueux, tout en sauvegardant un minimum de neutralité.
Imagine-t-on un organe de presse musulman parler de Jésus en le qualifiant de "Fils de Dieu", ou de "Sauveur" ?
L'autre point qui ne laisse pas d'être troublant, c'est l'insistance sur l'aspect calomnieux de l'accusation. Est-ce que, véritablement, cette condamnation à mort serait plus acceptable si cette femme avait effectivement tenu les propos (pourtant bien peu agressifs) qui lui sont reprochés, ou si même elle avait dit ce que tout "non-musulman" pense, à savoir que Mahomet n'est pas un prophète ?
Bref, si d'un côté, je suis effaré par un modèle de société qui pose l'oppression religieuse en système judiciaire ; de l'autre côté, cette forme d'auto-censure qui se répand ne me rassure pas …
Au moment où je rédige ce billet, je lis qu'Asia Bibi aurait été graciée.
C'est bien sûr un soulagement, mais le problème de fond reste entier : quand donc la leçon de Joas, père de Gédéon sera-t-elle entendue ? (Cf Livre des Juges 6.25-32)