Le choix du roi

Publié le par Albocicade

L'excision est un thème que je trouve important... et duquel je n'ai plus parlé sur ce blog depuis 10 ans. Allez savoir pourquoi. Et là, coup sur coup, il revient dans mon actualité, non seulement à cause du Réparateur, mais aussi parce qu'un document tout à la fois important et pertinent m'a été communiqué.

Il concerne le choix que fit, au XV° siècle, le roi dEthiopie Zar’a Yā‘eqob d'encadrer – en la maintenant – la pratique de l'excision.

Au premier abord, il pourrait sembler curieux qu'un souverain chrétien ait maintenu cette pratique barbare. Pourtant, en le faisant, il lui posait des limites strictes.

Sans doute faut-il d'abord se plonger dans le contexte pour comprendre comment cette pratique – antérieure au christianisme – a pu se maintenir dans un cadre chrétien. Il est des pratiques qui sont comme constitutives de la culture locale, et dont on ne saurait – sans risquer d'être totalement rejeté – se couper. Ainsi en est-il des scarifications, ainsi en est-il de l'excision. Aussi, à défaut de les supprimer, ne reste-t-il souvent qu'à "baptiser" ces pratiques, à tenter de les christianiser, en les "adoucissant" au maximum..

Et c'est bien ce qu'a fait le roi Zara Yaqob : tout en justifiant bibliquement[1] la pratique de la "circoncision féminine", il interdit formellement l'infibulation[2], qui se pratiquait aussi.

Est-ce suffisant, est-ce satisfaisant ? N'aurait-il pas pu interdire purement et simplement l'excision plutôt que de légiférer à son propos ?

Dans un monde idéal, sans doute. Mais dans son monde à lui, son monde réel, ce monde où de tous temps l'excision fait la femme, il fait en sorte qu'elle soit le moins mutilante possible.

Mais n'aurait-il pas – au moins – pu essayer ?

Il se trouve que l'Histoire répond à cette question.

Au XVIII° siècle, des missions jésuites eurent un certain impact en Ethiopie, avec création de paroisses catholiques. Mais les jésuites s'opposèrent formellement à la pratique de l'excision dans les familles des convertis. Le résultat ne se fit guère attendre : les jeunes femmes catholiques, non excisées, ne trouvèrent pas à se marier, les jeunes hommes catholiques prenant pour épouses des jeunes femmes chrétiennes non-catholiques, dûment excisées. Un fiasco.

Bien sûr, les temps ont changé, les cultures se rencontrent, les évidences culturelles se confrontent, et peu à peu l'excision diminue en Ethiopie. Mais, étant donné le contexte de l'époque, le roi Zara Yaqob pouvait-il faire un autre choix ?

 

Bref, cette longue présentation pour vous inviter à lire l'étude de Marie-Laure DERAT :

La circoncision et l’excision en Éthiopie du XVe au XVIIIe siècle : lectures d’un rituel.

 

 Notes :

[1] Personnellement, je n'avais jamais imaginé l'excision dans le verset "En ce jour, Abraham fut circoncis ainsi que tous les gens de sa maison" (Gen 17 : 27), mais ce texte permet au roi de "justifier" la pratique.

[2] Rappelons que l'infibulation consiste à entailler les petites et grandes lèvres puis à les réunir par des "agrafes" ou des fils (après avoir excisé le clitoris) et à les maintenir en contact jusqu'à ce qu'elles cicatrisent ensemble, en ne laissant qu'un méat réduit pour l'écoulement des urines et des menstrues. La "nuit de noce" comporte alors une "ouverture" de la jeune mariée, généralement à l'aide d'une lame de couteau...

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