Le brassard

Publié le par Albocicade


Barrière en travers de la rue, petit sourire satisfait aux lèvres, ils sont là – un à chaque carrefour – inflexibles et irresponsables.

Ils ont pour mission, pour raison d'être, d'empêcher le passage : une manifestation de la plus haute importance culturelle (course de vélo, rassemblement de trottinettes ou spectacle de puces savantes) doit avoir lieu dans quelques heures.

Sans états d'âme, ils bloquent.

A force d'insistance, ils ouvrent la barrière et nous dérivent vers une improbable ruelle mise exceptionnellement en double-sens.

De signalétique ? Aucune. Des renseignements ? Jamais.

Cela nous éloigne gravement du but : la gare.

Si nous tentons d'expliquer, l'invariable réponse est : "j'ai des consignes", si excédé, on se laisse aller à gronder, la parade devient "je ne suis pas responsable". Si de surcroît le factionnaire porte un uniforme, sa main se rapproche de l'arme de service… menace muette.

Bien sûr, le temps passe à sa vitesse accoutumée. Il n'y a pas plus de 200 mètres à faire, mais nous sommes déviés dix fois, quinze fois. A force, on s'éloigne sérieusement. Ah, cette fois, c'est la bonne rue. Plus que 600 mètre, 500 mètres, 300 mètres… barrière !

"Faites demi-tour !"

On a beau être partis en avance, le train doit déjà être en gare.

D'ailleurs, parlons-en, de la gare.

Les génies de la logistique qui ont préparé "l'événement culturel" ont inclus la gare dans leur périmètre. On ne peut finalement y accéder qu'à pied.

Bien sûr, à l'heure qu'il est, le train doit être reparti. Tant pis ! Sait-on jamais…

Véhicule correctement garé (il ne faudrait pas en plus qu'un des irresponsables en uniforme nous verbalise), nous courrons, charriant tant bien que mal les bagages.

Entrés dans la gare, nous avons neuf minutes de retard ; le train en a dix !

La Dame peut entreprendre son voyage.

Quant à moi, il me faudra plus de ¾ d'heure et au moins 20 kms de tâtonnements sur les petites routes de campagne pour arriver à rejoindre la route qui mène à mon village : "ils" avaient aussi bloqué tous les axes secondaires.

 

Bien sûr, je me suis mis en colère, méritant incontestablement du sévère proverbe, mais l'association de ces deux phrases "j'ai des ordres" et "je ne suis pas responsable" me révulse littéralement : j'y perçois le summum de l'abrutissement humain, et cela m'évoque de sinistres histoires de train Outre-Rhin, il y a quelques décennies.

 

Et le brassard ?

En fait, quelques jours à peine après ce désagréable épisode, j'ai entendu (pour la première fois) ce sketch de Fernand Raynaud…. terrifiant.

 

 




Publié dans Cigale en colère

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B
Pour une fois que je te renvisite, tu as fais un jolie conte  rendu,de tes déboire avec les brassars !!!!!!! chapeau bas.
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M
Quel sketche ! Bravo !
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