Le multiplicateur

Publié le par Albocicade

Ces derniers temps, j'entends des choses étranges à propos des prix du carburant en France. Il paraîtrait même que le gouvernement serait prêt à renoncer à une des règles de base du commerce – l'interdiction de la vente à perte – pour le plus grand bien du pouvoir d'achat des contribuables.
Ayant durant plusieurs années travaillé dans le négoce international des produits pétroliers[1], je me suis depuis longtemps intéressé à une question fondamentale concernant le prix du plein de carburant : la  fiscalité qui lui est associée.
Pour ne pas entrer dans des détails fumeux, disons que grosso-modo, ces taxes s'élèvent à environ 60 % du prix à la pompe.
Ce qui revient à dire que pour un litre de gasoil, payé 1 euro[2], il y a 40 centimes qui sont partagés entre le producteur, le raffineur, les transporteurs et le distributeur, et 60 centimes de taxes diverses qui vont à l'état.
Autrement dit (restons sur une taxation à 60 %), la fiscalité est un multiplicateur. Précisément, pour atteindre un prix idoine à la pompe, l'Etat multiplie le prix du carburant net de taxes par 2,5 ! C'est-à-dire qu'il participe à raison d'un facteur 2,5 à l'augmentation de l'envolée des prix à la pompe.
Si l'état se contentait d'une taxation fixe[3], disons 60 centimes par litre, la variation des prix des carburants serait infiniment moindre. Ainsi pour un gasoil hors taxes de 40 centimes, on aurait un gasoil à 1 euro à la pompe, et si le prix du gasoil hors taxes passait à 80 centimes, il coûterait 1,40 euro par litre au simple client. Or, nous sommes grosso modo à ce niveau de prix, sauf que grâce à l'effet multiplicateur de la taxation, le client ne le paie pas 1,40 euros, mais 2 euros, l'Etat percevant 1,20 euros de taxes pour le même litre.
Alors, quand j'entends les Grands de ce monde dire que les distributeurs[4] devraient vendre à perte, et ce dans le but inavoué de continuer de percevoir cette manne financière constituée par l'effet multiplicateur de la fiscalité… je suis pris d'une immense lassitude.
 
Les notes
[1] Enfin, pompiste en station service, ça compte ?
[2] Oui, je me souviens même lorsque le gasoil a passé la barre de 1 euro par litre : c'était il n'y a pas si longtemps !
[3] Taxation fixe, révisable à date fixe deux fois par an, par exemple…
[4] A mon époque, le distributeur percevait entre 2 et 4 centimes par litre de carburant vendu, et c'est avec cela qu'il devait payer le pompiste, les frais de maintenance des installations…
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article