Le chevalier.

Publié le par Albocicade

Non, il n’a jamais porté de heaume, de cotte de maille ou même d’armure. Est-il même seulement monté à cheval ? Oh, peut-être, pour quelques déplacements, mais ce n’est certes pas ce qui le caractérise.

En fait, s’il était "chevalier", c’est parce que diverses médailles (que d'aucuns considéreraient comme breloques et colifichets mais qui à l'époque avaient leur prestige) lui avaient été décernées et il ne faisait pas faute de le rappeler. En effet, n'était-il pas chevalier de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre de saint Grégoire, chevalier de l'ordre de l'Éperon d'or réformé, chevalier de l'ordre de saint Louis

Au vrai, là n'était pas son véritable mérite. C'était un lettré, mieux, un érudit.

Un érudit quelque peu hors normes, il faut bien le reconnaître. 

Parce qu'enfin, quel rapport y a-t-il entre le rabbin David Drach, qui publia la première traduction française du "cérémoniel des deux premières soirée de la Pâque" juive (la Hagadda), et le chevalier Paul Drach, auteur de la savante étude sur "L'Inscription hébraïque du titre de la Sainte Croix restituée" ?

En fait c'est le même.

Jeune juif pieux et doué, il étudia, devint rabbin et épousa la fille du Grand rabbin de France. Pieux et érudit, mais pas forcément à vouloir suivre sans réfléchir l'ornière tracée par la multitude des générations successives l'ayant précédé. Un point en particulier le tracassait : les divergences entre le texte hébreu de la Bible et celui de la traduction grecque des Septante, surtout dans la mesure où il lui apparaissait que la balance penchait du côté de la traduction grecque, nettement antérieure au texte hébreu dans l'état où nous le possédons. Pour tout dire, il envisageait de réaliser une édition critique de la Bible (Ancien Testament), avec restitution du texte hébreu originel… ce que le président du Consistoire lui interdit formellement de réaliser.

Sauf que, non content d'étudier le texte de la Thora, il avait aussi lié connaissance avec des chrétiens, et les ayant apprécié il s'était aussi peu à peu rapproché du Christ.

Bref, un jour de 1823, le rabbin Drach recevait le baptême des mains de l'archevêque de Paris, comme il s'en expliqua en trois "Lettres d'un rabbin converti aux israélites ses frères sur les motifs de sa conversion". Parce que si pour lui, devenir chrétien était devenu une évidence, il ne s'agissait pas de s'esquiver honteusement, mais de partager cette certitude que "l’Évangile est puissance de Dieu pour le salut de quiconque est devenu croyant, le Juif d’abord, et le païen" comme l'écrivait l'apôtre Paul, juif comme lui.

Aussi, lui qui était Docteur en philosophie et ès lettres et membre de plusieurs académies consacra-t-il ses années et son érudition à resserrer le lien (bien distendu, il est vrai dans la piété occidentale) entre le fait que le Christ est Sauveur, et que ce Christ sauveur  est le Messie promis et envoyé au peuple Juif.

Un homme de conviction, ce rabbin Drach, un peu comme l'imam Muhammad ibn Abdallah al-Saidi al-Adawi, devenu Clément Caraccioli (mais si, vous savez, je vous en avais parlé ici !).

Et lui aussi, j'ai plaisir à le rencontrer, parfois, au gré de mes recherches…

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