Peine de mort

Publié le par Albocicade

 

Quand j'étais minot, on nous avait décrit – en classe – les exécutions publiques des criminels, la populace haineuse qui se repaissait de ce spectacle abject. qui hurlait au sang et à la vengeance. Mais c'était de l'histoire ancienne. Nous étions devenus civilisés.

Et lorsque la peine de mort fut – enfin ! – abolie, cela ne suscita guère de remous. Oh, bien sûr, il y a avait des nostalgiques, les mêmes qui pensaient qu'une "bonne guerre", ça ne pourrait pas faire de mal à cette jeunesse aussi fainéante que turbulente.

Et les années passant, la peine de mort ne fut plus qu'un vieux souvenir, une vieillerie entachée du pénible remords d'éventuelles (et statistiquement hautement probables) erreurs judiciaires.

Aussi ai-je été surpris de la voir ressurgir, dernièrement.

Pas comme une question théorique, non ; mais bien sous un aspect pratique.

Lorsque – il n'y a que quelques semaines – un type s'est mis à tirer dans la foule, à Strasbourg, on a très vite su "qui" il était, de quelle idéologie mortifère il se réclamait. La traque était lancée, et on pouvait escompter qu'elle aboutirait.

C'est là que la question de le peine de mort a réapparu :

"Il vaudrait mieux que les flics ne le prenne pas vivant" ;

"Si ils l'arrêtent, ça ne servira à rien : il fera quelques années de prison, puis il sortira..." ;

"Et encore, si un avocat ne trouve pas un vice de procédure qui lui ferait échapper à la prison..." ;

"De toutes façons, en France la perpétuité réelle n'existe pas..."

 

Bref, à peu près tous le gens avec qui j'en ai causé sur le moment m'ont tenu ce genre de discours. Non qu'ils aient été des nostalgiques de l'échafaud, ni même qu'ils fussent remplis de haine. Non, simplement ils n'avaient guère confiance que le Droit, que la Justice puisse être à la hauteur des crimes perpétrés, à la hauteur de la menace.

Et effectivement, deux jours après, le tireur était repéré et abattu.

Curieusement, aucune voix ne s'est élevée contre cette exécution en pleine rue. La police avait fait son travail. Point.

Et même, j'ai ouï dire que lorsque les forces de l'ordre se sont retirées, les passants, badauds et autre chalands qui étaient à proximité les ont applaudi.

Faut-il y voir un retour à la haine populacière qui accompagnait les exécutions publiques, ou simplement l'expression d'un immense soulagement[1], sans mélange : le nuisible avait été réellement mis hors d'état de nuire.

Et si c'était aussi le même type de soulagement qui s'exprimait, naguère ? En fait, je n'en sais rien, même si je soupçonne les bons instituteurs d'antan d'avoir forcé un peu le trait.

Que l'on me comprenne bien, je n'ai aucune envie de voir refleurir les fourches patibulaires aux entrées des villes, mais force m'est de reconnaître que j'ai moi aussi partagé le soulagement général lorsque le fâcheux a rendu son dernier souffle : Dame Cigale se rendait le lendemain à Strasbourg, et trois des victimes étaient connues de mes proches...

 

Note

[1] Sauf pour les trois policiers, formés au maintien de l'ordre et non à se faire tirer dessus ou à abattre des hommes : aux premiers jours de Janvier, ils étaient toujours très choqués, en arrêt de travail, et pour eux se posait la question de leur changement d'affectation... comment pourraient-ils – sans risque mortel – continuer à patrouiller dans une ville où vit la famille du terroriste ?

Publié dans Vie quotidienne

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