Quand la politique s'en mêle…

Publié le par Albocicade

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En cette période particulièrement tumultueuse, du moins de l'autre côté de la Méditerranée, m'est venu le désir d'évoquer une figure bien oubliée : le premier évêque des Sarrasins.
 
En ce IVe siècle, s'il était relativement aisé aux habitants des villes d'entendre l'Evangile, en ce qui concerne les membres des innombrables tribus nomades que l'on appelait Skénites, Ismaélites, Agareniens ou Sarascènes, c'était une autre paire de manche.
 
Tout au plus pouvaient-ils rencontrer – au gré de leurs déplacements – quelques ermites chrétiens à qui ils demandaient conseils et prières.
Et parfois, tel "Sarrasin" devenait chrétien. C'est ainsi que saint Hilarion, en convertit en grand nombre dans la ville d'Eluse, d'où ils refusèrent de le laisser partir avant qu'il leur ait tracé la place d'une église. On a aussi le récit de la conversion d'un certain sarrasin du nom d'Obedien, qu'un certain Moïse de Raïthou (différent de celui dont il sera question ensuite) amena à la foi chrétienne, avec beaucoup d'autres sarrasins de Pharan. De même, Zocome, chef d'une de leurs tribus, n'ayant pas d'enfants, alla trouver un saint solitaire et se plaignit à lui. L'ermite tâcha de le réconforter, fit des prières pour lui, et l'assura qu'il aurait un fils s'il voulait croire en Jésus-Christ. Zocome se fit instruire dans la religion, Dieu lui donna l'enfant qu'il désirait, il reçut enfin le saint baptême, et à son exemple tous ses sujets se firent chrétiens.
Mais tout cela se faisait au coup par coup : les Sarrasins n'étaient certainement pas une "nation unie", et chaque clan avait son chef, ses règles.
Mais venons-en à notre évêque.
Sarrasin de naissance, ce Moïse était devenu chrétien et s'était depuis longtemps retiré dans la solitude d'une région désertique au confins de l'Egypte et de la Palestine.
En ce temps là, une certaine tribu des Sarrasins ravageaient les frontières de l'Empire, sous la conduite de  sa "reine" Mavia. Les romains, sachant que les nomades étaient menés par une femme, veuve du prince de la tribu, comptaient sur une victoire rapide, mais après quelques cuisantes défaites, ils considérèrent qu'il serait plus judicieux d'envoyer une ambassade à Mavia pour lui proposer la paix.
Or, dans les conditions de la paix, Mavia eut une exigence… curieuse : elle demanda que l'ermite Moïse fût ordonné évêque pour son peuple.
L'Empereur Valens, trop heureux d'obtenir la paix à cette condition, ordonna qu'on le menât à Alexandrie, pour y recevoir les saints ordres.
Quand la politique s'en mêle…
 
C'était une période où les disciples d'Arius menaçaient la foi de l'Eglise. L'empereur Valens était arien, et Lucius, le despotique archevêque d'Alexandrie, quoique pas franchement arien (les nuances de gris étaient nombreuses à cette époque !), avait fait déporter de nombreux orthodoxes, évêques, prêtres et moines qu'il trouvait trop ardents à défendre le symbole de Nicée, afin de s'attirer les bonnes grâces du pouvoir en place.
Quand la politique s 'en mêle…
 
Lorsque parvenu dans la Cathédrale d'Alexandrie, l'ermite Moïse vit que Lucius s'approchait pour lui imposer les mains, il lui dit en présence des généraux et de tout le peuple assemblé en grand nombre :
"Lucius, arrête-toi ! Et n'imagine pas un instant que tu pourras m'ordonner évêque. Je reconnais que cette dignité est bien au-delà de mes forces et que j'en suis tout à fait indigne. Cependant si c'est la volonté de Dieu que j'y sois élevé malgré mon indignité, je prends ici le Dieu du ciel et de la terre à témoin que je n'accepterai jamais que tu mettes sur moi tes mains rougies et souillées du sang des Saints !"
Lucius, qui ne s'attendait pas à une pareille apostrophe, y fut d'autant plus sensible que le reproche était public. Il lui répondit avec un cœur plein d'émotion :
"C'est me faire une injure bien éclatante que de témoigner une si grande horreur pour moi en présence de tout le monde, sans savoir quelle est ma foi. Si tu as entendu  des choses fausses sur moi, je suis prêt à faire une déclaration de foi sur laquelle il sera plus juste que tu te bases plutôt que sur des ragots."
Moïse répliqua : "Lucius, sans même que tu aies besoin de me l'expliquer, je sais quelle est ta foi ! Elle est manifestée par les évêques, les prêtres et les diacres que tu as envoyés en exil et condamnés aux mines. A cela, on voit qu'elle est fort éloignée de la foi de Jésus Christ et de la doctrine orthodoxe !"
Et il jura que jamais il n'accepterait d'être ordonné par Lucius.
Quoique ce fut pour l'évêque Lucius un terrible affront, il fut contraint de consentir par la nécessité des affaires de l'État, de peur de rallumer la guerre des Sarrasins, qu'on conduisît Moïse auprès des évêques en exil pour être sacré par eux, ainsi qu'il l'avait demandé.
Quand la politique s'en mêle…
 
On ne sait  pas grand chose de plus de ce Moïse, évêque des Sarrasins, pas même où fut son siège épiscopal (si toutefois il ne se contenta pas de suivre les pérégrinations des tribus dans une tente) qui passa le reste de sa vie à témoigner de l'Evangile parmi les Sarrasins.
Quant à la reine Mavia, elle respecta son engagement de paix envers Rome, et envoya même du secours à Valens contre les Goths, dont il se servit très-avantageusement. Elle cimenta de plus son union avec les Romains, en donnant sa fille en mariage à Victor leur général, dont Théodoret et Nicéphore louent beaucoup la pureté de la foi.
Tels furent les fruits de l'élection de Moïse, je veux dire la conversion d'une grande multitude de Sarrasins et leur paix avec l'empire.
Quand la politique s'en mêle…
 
 
L'Église catholique fait mémoire de saint Moïse, dans son Martyrologe, au 7 février.
Il ne semble pas être dans le Synaxaire… dommage
 
Sources :
 

Publié dans Ecologie - théologie

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