Ce bon vieux Théodore
Ah, j'aimerais pouvoir le décrire arpentant les souks, soutane au vent, discutant avec le marchand de figues ou le boucher ; l'écouter dans sa cathédrale argumenter avec un paroissien que les idées iconoclastes ont séduit ; le retrouver plus loin, en compagnie d'un imam débattre des valeurs respectives de Mohammed et de Jésus.
J'aimerais, et ce serait certainement passionnant.
Hélas… Nul contemporain n'a jugé utile d'écrire sa biographie, et ce que l'on sait de lui se résume à quelques rares indices épars dans ses écrits, ou les chroniques de l'époque.
Ainsi, on sait que, né aux environs de 750 du côté d'Edesse, dans cette région si cosmopolite où se côtoyaient païens, juifs, chrétiens de tous poils, sous la férule des conquérants musulmans, il fut évêque orthodoxe (ou "chalcédonien") de Harran de 795 à 812, et qu'il mourut vers 820.
On sait, en outre, qu'au cours de sa vie, il se rendit à Jérusalem, en Arménie, et – peut-être – à Alexandrie.
On sait, enfin, que si on l'a longtemps appelé "Théodore Aboucara", son nom était "Théodore Abou Qourra".
C'est à peu près tout… et c'est bien peu.
Par comparaison, ses écrits ont eu un meilleur sort : on en connaît une vingtaine en grec ou en arabe.
Et d'ailleurs, dans ses "traités", il se met en scène, dialoguant avec diverses personnes, sans chercher des arguments "universels", mais plutôt n'hésitant pas à s'appuyer sur la Bible, le Coran ou les conciles si son interlocuteur peut y être sensible, ou - au contraire - à en faire abstraction s'il a affaire à quelqu'un qui ne veut que des "arguments de raison".
C'est tout récemment que je l'ai découvert, et – après pas mal de recherches – je lui ai consacré un article dans la Wikipédia. J'y recense à peu près tout ce qui est accessible (soit sur internet, soit en édition papier) à son propos.
Cependant, et c'est bien dommage, je n'ai déniché en français (outre quelques articles de fond) que deux traités et quelques fragments, tandis que les anglais, allemands et russes ont presque tout.
Alors, en attendant que quelque professionnel nous propose – contre espèces sonnantes et trébuchantes – une traduction des "œuvres complètes", avis aux bonnes volontés et aux amateurs compétents : ce sera toujours mieux que rien.
Et pour clore ce billet, une petite calligraphie qui eut réjoui ce brave Théodore.
Ca dit, reprenant le début d'une célèbre homélie de St Grégoire le Théologien sur la Nativité :
Christ naît, glorifions-le !