Le talent est d'argent

Publié le par Albocicade

Depuis quelques temps, je travaille sur les paraboles de l'Evangile de St Matthieu comprises entre Mt 24.36 et Mt 25.46, pour des commentaires que je dois rendre en Juin.
Et, parmi celles-ci, la fameuse "Parabole des Talents" où l'on voit un homme riche remettre des "talents" à trois de ses serviteurs (à l'un 5, au second 3, et au dernier 1… en fonction de leurs capacités).
Bon, pour s'épargner tout contresens, le mot "talent" désigne une masse de 30 kg d'argent (soit, grosso-modo un lingot cubique de 14 cm de côté)… donc une sacrée somme d'argent à chacun.
Si les deux premiers serviteurs font fructifier leur avoir, au point d'en doubler la mise, le troisième serviteur, homme manifestement aigri et passablement révolté met tout en œuvre pour ne rendre à son patron que le strict minimum : ce qui lui a été remis. Et, prudemment, il enterre son lingot[1], sachant que s'il est dérobé, personne ne pourra lui en tenir rigueur (enfin, selon la jurisprudence juive telle qu'on la trouve dans le Talmud de Babylone, traité "Baba Metzia" 42a).
Je passe sur la conclusion de la parabole, où ce qui est reproché à ce mauvais serviteur n'est pas d'avoir mal agi, mais de n'avoir pas agi, de n'avoir pas fait le minimum. (Ce qui est d'autant plus stupide de sa part que, au final, c'est la richesse de son patron qui lui permet de ne pas se retrouver dans la misère…)
Mais un point très particulier me posait problème. Je savais qu'il a existé une autre version de cette parabole dans le fameux "évangile des Hébreux" (ou "des Nazaréens") qui ne nous est plus accessible par des citations éparses.
De fait, concernant cette "version" de la parabole, nous n'en avons pas une citation verbatim, mais plutôt un résumé, suffisamment éloquent d'ailleurs :
«L'évangile qui nous est parvenu, écrit en lettre hébraïques, comprend la menace comme étant adressée non pas à celui qui a caché le talent, mais à celui qui a vécu luxurieusement. Car le Seigneur avait trois serviteurs : l'un qui dilapide la fortune de son maître avec les prostituées et les danseuses, l'autre qui l'augmente par son travail, l'autre qui cache le talent. Ensuite l'un est accueilli favorablement, l'autre réprimandé, l'autre jeté en prison.»
Or, si j'avais la citation, je n'en trouvais nulle part la source. J'avais bien lu ici ou là que cela provenait d'un texte d'Eusèbe de Césarée… mais c'est bien insuffisant.
Et finalement, après moult recherches, j'ai enfin déniché cette source.
Le texte est bien d'Eusèbe, précisément dans son "Sur la théophanie", un ouvrage qui ne nous a été transmis in extenso qu'en syriaque mais dont de copieux extraits grecs  ont toutefois survécu. Et, c'est dans un de ces extraits que l'on trouve notre citation, au fragment 22.
Donc notre texte se trouve au tome 24 de sa Patrologie grecque de Migne, colonnes 686-687, comme ça, si l'envie vous prend de voir le contexte dans lequel il s'insère, ben maintenant vous savez où trouver…
 
La p'tite note, quand même :
[1] En fait, le talent ne se présentait pas nécessairement en lingots : 30 kg de pièces d'argent équivalait à un "talent", puisque les pièces avaient à l'époque la valeur de leur poids.
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