Rameaux 2019

Publié le par Albocicade

C'était, hier, le dimanche des Rameaux[1].

J'ai toujours été à la fois enthousiaste et un peu mal à l'aise avec cette fête.

Enthousiaste, bien sûr, parce que je sais "qui" est Celui qui entre à Jérusalem monté sur un ânon comme le relate l'Evangile. Et pour un peu, je serais presque jaloux de ceux qui ont su se ridiculiser au bord de la route ce jour là.

Enfin, juste "pour un peu". Parce que, en vrai, je ne suis pas bien certain que, à l'époque, j'aurais été de ceux qui l'acclamaient. Et c'est ça qui me met mal à l'aise.

C'est vrai, quoi, je me méfie des enthousiasmes populaires fondés sur on ne sait trop quoi, des  pensées réductrices véhiculées par les foules ; des manipulations de groupes, aussi.

Ce qu'il me faut, c'est une pensée structurée, pesée, qui progresse lentement mais avec cohérence.

Et l'Histoire me donne raison : qu'est-il advenu de du mouvement de Theudas, puis de celui de Judas le Galiléen[2], et sans parler de Bar Korhba et de tant d'autres ?

Ils ont suscité l'enthousiasme, drainé des foules … et puis plus rien.

Oui, l'Histoire me donne raison.

Sauf que l'Histoire me donne tort, aussi.

Parce que si effectivement nombre d'enthousiasmes ont été inutiles, stériles, voire même néfastes, d'autres au contraire ont été  absolument judicieux.

Comme, justement, cette foule qui – peut-être pour des raisons contestables – acclamaient Jésus.

Savaient-ils bien ce qu'ils faisaient, ces enthousiastes du dimanche des Rameaux en criant des "Hosannah !" ? Avaient-ils vraiment conscience d'acclamer le Messie, le Fils de Dieu, le Sauveur ? Allez, on peut bien en douter.

Mais Jésus ne les reprend pas, au contraire, il les approuve.

Ces gens là aimaient, même fugacement, même maladroitement : c'est mieux que de ne pas aimer. Un peu comme la "femme pécheresse"[3] qui pleure sur les pieds de Jésus…

Et ceux qui[4], tous arguments bien pesés, se tenaient à l'écart, maugréant contre ces excités de la messianité avaient tort.

Ils avaient tort non pas parce qu'ils raisonnaient, mais parce qu'ils pensaient naïvement que leur raisonnement était suffisant pour tout bien comprendre et bien expliquer. Ils avaient une foi logique, une pensée logique, une  théologie logique et étaient certains que c'était suffisant.

Les pauvres bougres ignoraient que nos logiques, toutes nos logiques, ont des failles, des manques, des lacunes.

Et que ce qui peut me sembler parfaitement logique et cohérent peut être ressenti comme vide, sec, désert, voire absurde par tel autre.

Et si ce tel autre est mon interlocuteur, alors…

Combien de fois ai-je entendu des personnes dire "D'accord, je suis un peu brutal, mais tu sais, il ne veut rien comprendre…" Violence insupportable de ceux qui sont trop sûrs de leur fait.

Car si l'autre "ne veut rien comprendre", c'est peut-être que mon raisonnement ne le rejoint pas, voire qu'il est vicié par un point que je ne vois pas.

Et dans ces cas là, la seule chose à faire, c'est un pas en arrière : laisser la place à la charité. Oui, dans tous les cas, ne pas brusquer l'autre au prétexte que j'aurais raison (à supposer que j'ai réellement raison). Du moins, ce n'était pas la méthode du Christ.

On a souvent raison de penser, mais on a toujours tort de ne pas aimer.

 

[1] Bon, au même moment, catholiques et protestants célébraient déjà la résurrection du Christ…

[2] Il est question de ces deux agitateurs dans le livre des Actes 5. 34-39

[3] Luc 7. 36-50.

[4] Voir dans le récit de St Luc 19.38-40

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