Vos yeux s'ouvriront

Publié le par Albocicade

Comme dit précédemment, je travaille actuellement sur des homélies d'un auteur que je vous présenterai bientôt.

Disons seulement, pour l'instant, qu'il fut évêque de Jableh, au Ve siècle et que ses homélies, pour être amples, n'en sont pas pourtant dénuées d'intérêt.

Aussi, ai-je décidé de vous en donner, en avant-première, un aperçu.

 

Vous connaissez tous le passage, dans le livre de la Genèse (chap 3), où le serpent tente Eve. Voici un petit bout de ce que notre auteur en tire (j'abrège un peu).

 

Le diable avait dit : "Le jour où vous mangerez de ce fruit, vos yeux seront ouverts" ; il se trouva qu'il avait dit vrai. …/…

Remarquez bien sa malice. Comment avait-il su que, le fruit une fois mangé, les yeux de nos premiers parents seraient ouverts ? Étaient-ils donc aveugles ? Pourtant l'Écriture, avant qu'ils aient mangé ce fruit fatal, dit : "La femme vit l'arbre." La femme n'était donc pas aveugle. "La femme vit que l'arbre était beau à la vue." Elle voit d'abord, puis elle mange.

Comment donc leurs yeux ont-ils été ouverts ? Soyez attentifs, je vous prie ; là est le point capital de la question. Le diable était un de ceux qui étaient tombés et avaient cherché à dépasser son rang : il savait donc ce qui lui était arrivé après son crime, et ce qui devait conséquemment arriver à ceux qui faisaient ainsi ; car le sort de ceux-là est toujours le même. Aujourd'hui aussi, quand nous péchons, nous le faisons en aveugles, et nous ne voyons ce que nous avons fait que lorsque la faute est commise.

Si l'on demande, par exemple, à l'auteur d'une faute "Pourquoi avez-vous agi de la sorte ?" il mettra la nécessité en avant. En vérité, dira-t-il, je ne voyais pas ce que je faisais. Non pas qu'il fût aveugle ; mais la raison s'obscurcit devant le péché : on est tout entier à ce que l'on fait, et, tout en le faisant, on est aveuglé. Ensuite seulement on voit dans sa conscience l'action qu'on a commise. …/…

Le diable donc étant tombé, — car je ne perds pas de vue mon sujet, — et sachant ce qui s'était passé en lui après la chute, n'oubliait pas qu'alors seulement il avait compris ce qu'il avait fait. Instruit par sa propre expérience, il dit à nos premiers parents : "Si vous mangez de ce fruit, vos yeux seront ouverts" comme les miens l'ont été, pensait-il ; le péché commis, alors je vis ce que j'avais fait, ce que j'avais perdu. "Ensuite ils mangèrent, et leurs yeux furent ouverts, et ils connurent qu'ils étaient nus." Auparavant ils étaient nus aussi, mais ils n'en rougissaient pas. Quand ils se furent dépouillés de l'immortalité, ils perdirent leur ceinture de gloire, et le corps apparaissant dans sa nudité, ne fut plus qu'une masse de terre.

 

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