Samedi saint 2011

Publié le par Albocicade

Descente IC XC aux enfers

Un grand silence règne aujourd'hui sur la terre.

Un grand silence et une grande solitude.

Un grand silence parce que le roi dort.

La terre a tremblé et s'est calmée parce que Dieu s'est endormi dans la chair, et qu'il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles.

Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli.

Dieu s'est endormi pour un peu de temps et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les enfers…

 

Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue.

Il va volontairement visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort.

C'est pour délivrer de leurs douleurs Adam entravé et Ève sa codétenue qu'il y va, lui qui est en même temps leur Dieu et leur fils.

 

Descendons avec lui pour voir l'alliance entre Dieu et les hommes.

Là se trouve Adam, le premier père et, comme premier créé, enterré plus profondément que tous les condamnés.

Là se trouve Abel, le premier mort, et comme premier berger juste, préfiguration du meurtre injuste du Christ berger.

Là se trouve Noé, préfiguration du Christ, le constructeur de la grande arche de Dieu, l'Église.

Là se trouve Abraham, l'ancêtre du Christ, le sacrificateur qui offrit à Dieu par le glaive et sans le glaive un sacrifice mortel sans mort.

Là demeure Moïse, dans les ténèbres inférieures, lui qui jadis a séjourné dans les ténèbres au-dessus de l'arche de Dieu.

Là se trouve Daniel, dans la fosse de l'enfer, lui qui jadis a séjourné sur la terre, dans la fosse aux lions.

Là se trouve Jérémie, dans la fosse de boue, dans le trou de l'enfer, dans la fosse de la mort.

Là se trouve Jonas dans le monstre capable de contenir le monde, c'est-à-dire dans l'enfer préfiguration du Christ éternel.

 

Et, parmi les prophètes, il en est un qui s'écrie : "du ventre de l'enfer, entends ma supplication, écoute mon cri !" et un autre "des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, entends ma voix" - Et un autre encore : "Fais rayonner ton visage, et nous serons sauvés !"…

 

Dans sa venue, le Seigneur voulut pénétrer jusqu'aux lieux les plus inférieurs.

Aussi Adam, en tant que premier père et que premier créé de tous les hommes et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, fut le premier à entendre le bruit des pas du Seigneur qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison et s'adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla ainsi : "J'entends les pas de quelqu'un qui vient vers nous !"

Et pendant qu'il parlait, le Seigneur entra tenant en main la croix, arme victorieuse. Et lorsque le premier père Adam le vit, plein de stupeur il se frappa la poitrine et cria aux autres : "Mon Seigneur soit avec vous tous !" Et le Christ répondit à Adam : "Et avec ton esprit". Et lui ayant saisi la main, il lui dit : "Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts et le Christ t'illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t'ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l'enfer. Surgis d'entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi, l'œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image. Lève-toi et partons d'ici car tu es en moi et je suis en toi, nous formons tous deux une personne unique et indivisible.

 

À cause de toi, moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; à cause de toi, moi le Seigneur, j'ai pris une forme d'esclave ; à cause de toi, moi qui demeure au-dessus des cieux, je suis descendu sur la terre, et sous la terre. Pour toi, homme, je me suis fait comme un homme sans protection, livré aux juifs dans le jardin et j'ai été crucifié dans le jardin.

Regarde sur mon visage les crachats que j'ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l'antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des gifles que j'ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde sur mon dos la trace de la flagellation que j'ai reçue afin de te décharger du fardeau de tes péchés, qui avait été imposé sur ton dos. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois à cause de toi qui autrefois as mal étendu tes mains vers le bois de l'arbre… Je me suis endormi sur la croix et la lance a percé mon côté à cause de toi qui t'es endormi au paradis et as fait sortir Ève de ton côté. Ma douleur a guéri la douleur de ton côté. Et mon sommeil te fait sortir maintenant du sommeil de l'enfer. Lève-toi et partons d'ici, de la mort à la vie, de la corruption à l'immortalité, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d'ici et allons de la douleur à la joie, de la prison à la Jérusalem céleste, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel.

 

Extraits d'une très longue homélie pour le Samedi saint, autrefois attribuée à St Epiphane (cf PG XLIII 440-464)


Publié dans Cigale patristique

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