Au jour du Jugement…

Publié le par Albocicade

Petit à petit, à pas lents et mesurés, nous approchons du carême. Déjà, nous voici au Dimanche du Jugement dernier", jour où nous entendons la "parabole des brebis et des boucs" que l'on trouve en Matthieu 25.31–46.
Tout d'abord, j'ai toujours été gêné par cette opposition entre des brebis et des boucs.
Que l'on oppose brebis à béliers, soit ; brebis à chèvres, pourquoi pas ; chèvres à boucs, je veux bien ; mais n'avoir dans un troupeau que des brebis et des boucs… ça m'a toujours dépassé1. Et puis, dernièrement j'ai fait ce que j'aurais du faire depuis longtemps… je suis allé regarder le texte de près. Je vous passe les détails2,mais les termes employés doivent ici être compris comme ayant un sens générique pour désigner des chèvres.
C'est certes secondaire, mais puisque le texte a un sens, autant ne pas le gâcher par une traduction de citadin.
 
Autre point, ce jour est là pour nous préparer au carême, c'est même le dernier jour où l'on est censé pouvoir consommer de la viande. Toutefois, le texte de l'épître (1Co VIII,8-IX,2) nous met immédiatement en garde contre une fausse interprétation de ce que cela signifie :
"Ce n'est certes pas un aliment qui nous rapprochera de Dieu : si nous n'en mangeons pas, nous n'aurons rien de moins, et si nous en mangeons, nous n'aurons rien de plus."
C'est avant tout notre dynamique intérieure qui fait sens.
 
Mais revenons à notre texte d'Evangile.
C'est donc, la fin de journée : le berger ramène son troupeau, blanches brebis et chèvres noires aux oreilles tombantes. Arrivé aux enclos, le berger opère le tri, comme chaque jour. Image banale, connue de tous, parlante. Les chèvres d'un côté, les brebis de l'autre, et ce n'est pas elles qui décident de leur enclos. Là s'arrête la comparaison avec le jugement dernier : un tri.
 
Mais pour nous, les critères seront tout autres : ce n'est pas en fonction de ce que nous "sommes" ni de ce que nous "pensons" que le tri sera effectué, mais de ce que nous aurons fait pour les plus "petits".
Bien sûr, si l'on y réfléchit un peu, ces critères de tri sont terrible, et je ne saurais me prévaloir (malgré des années à travailler bénévolement dans le champs du social) de n'avoir jamais ignoré ou rejeté la demande que quelque pauvre hère qui ne me revenait pas. Et ce hère était aussi le Christ...
Ce que l'on retrouve aussi dans le texte de l'épître :
"En péchant contre vos frères, en blessant la conscience de celui qui est faible, c'est contre le Christ que vous péchez."
Aussi, pour espérer malgré tout en la miséricorde du Christ au jour du Jugement, je repense souvent à ce dialogue extrait de Hamlet (II.2), lorsque le prince Hamlet confie une troupe de comédiens aux bons soins de Polonius, grand chambellan et conseiller du roi :
 
Hamlet - Mon bon seigneur ; voulez-vous veiller à ce que les comédiens soient bien traités ? (...)
Polonius - Monseigneur; je les traiterai selon leur mérite.
Hamlet - Non ! beaucoup mieux ! Si l'on traite chacun selon son mérite ; dites-moi, qui donc, en ce cas, échappera au fouet ? Traitez-les selon votre propre rang et votre dignité ; moindres seront leurs droits ; plus méritoire sera votre bonté.
 
Les notes :
1 Oui, j'ai grandi dans une ferme, et il y a des choses que les simples paysans savent et que des savants ignorent…
2 Bon, les détails quand même ! Au verset 32, c'est le terme ἔριφος , signifiant bien "bouc" qui est employé, mais au verset suivant, c'est le terme ἐρίφιον, qui désigne un cabri. Nous avons donc un troupeau de chèvres...
 
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