Déambulations péri-mortem

Publié le par Albocicade

 

Pour des raisons qu'il serait vain d'exposer, je suis amené depuis quelques temps à passer du temps à arpenter des allées de cimetière.  Le cimetière, cet endroit qui – à la différence de la nécropole – est un lieu d'attente.
Et cette attente s'exprime de différentes manières, en des inscriptions choisies.
Les tombes catholiques s'ornent de PPL ou PPE (Priez Pour Lui / Elle), de "De profundis" (premiers mots du psaume 129 de la Vulgate, que j'ai vu orthographié une fois "De profondis"… signe que la rigueur se perd), ou de RIP (le fameux "Resquiescat In Pace", qu'il / elle repose en paix), avec bien sûr un crucifix.
Pour les tombes protestantes, c'est différent. Pas de représentation du Christ en croix, mais un verset biblique, généralement tiré de l'Evangile ou du psautier. Et, parfois, la croix huguenote.
Du moins, ce sont les formes classiques, traditionnelles.
 
Dans un des cimetières, j'ai relevé quelques inscriptions atypiques, qui m'ont semblé intéressantes :
D'abord, sur la tombe de quelqu'un que j'ai un peu connu, une citation attribuée à un Quaker :
Je vivrai jusqu'à la mort,
ensuite je vivrai éternellement.
Alleluia !
 
Ce petit quatrain pour un enfant décédé à 8 mois, sur une tombe protestante de 1904 :
Frêle bouton fauché dans sa plus tendre aurore,
il refleurit là-haut dans le sein du Seigneur,
son gardien a cueilli la fleur avant d'éclore
pour que rien n'altérât sa céleste blancheur.
 
Ou celui-ci, sur une tombe de la même période :
La mort a fait cesser ta cruelle souffrance,
L'éternel sommeil clôt maintenant tes yeux.
Mais il reste à ta fille une douce espérance :
C'est qu'un jour elle ira te retrouver aux cieux
 
Ou cette discrète :
Pour qu'il habite en sa maison
Le maître l'a fait chercher.
 
Et il y a celle là, pleine d'une paisible espérance :
Heureux qui comme toi le soir venu s'endort
ayant de son labeur bien empli sa journée,
ne le réveillez pas frères, priez moins fort :
la paix est bonne où sa grande âme est retournée.
 
Il y a aussi les modernes : ainsi, sur une plaque tombale j'ai vu (sans parvenir à me l'expliquer)  un "Priez pour lui" accompagné d'un… QR Code !
 
 
Et puis, il y a les improbables :
Une inattendue citation d'Hermès Trismégiste
Je n'étais pas vivant tant que je paraissais vivre,
C'est maintenant que je vis, puisque je sais mourir
 
Un peu plus loin, la tombe d'un Franc-Maçon, avec compas et équerre… mais toutefois surmontée aussi d'une croix.
 
Et puis, il y a ce vœu classique
Que ton repos soit doux
comme ton cœur fut bon
Vœu qui me met toujours un peu mal à l'aise, dans la mesure où je connais des personnes sur la tombe desquels une telle inscription serait d'une terrifiante ironie.
 
Mais pour beaucoup de nos contemporains, le cimentière est redevenu nécropole : les défunts ne sont plus que des souvenirs, et on peut voir sur leurs tombes un bric à brac digne d'une énumération à la Prévert, en fonction de ce que ces "chers disparus" ont aimé : boules de pétanque, chien en faïence, macareux en ferraille, chaussure de soirée dans une châsse en plexiglas, lanternes, maillot de foot, gravure reprenant la "bouche" des Rolling Stones, bouddhas en plastique…
Et bien sûr, tout un fatras de fleurs synthétiques défraîchies.
 

Publié dans Vie quotidienne

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