Derrière les portes royales

Publié le par Albocicade

 

Depuis des mois, la plupart d'entre nous sont retenus loin des églises, loin des assemblées priantes, loin des retrouvailles amicales et dominicales, loin des liturgies.
Sans doute est-ce le moment de "repasser en notre coeur" ce qui se déroulait à portée de nos yeux et de nos oreilles, et à quoi nous ne prêtions guère attention : nous en serons enrichis d'autant lorsque - enfin - nous pourrons reprendre le cours de ce qui nous paraissait normal...
J'emprunte donc, avec sa permission,  au P. Yves LEROY, qui vit et célèbre en Abitibi, dans la région du "Nord-du-Québec", ce texte qu'il a posté sur ... Facebook.
Merci à lui.
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Dans l'Église orthodoxe de tradition slave, l'Autel est généralement de forme cubique et de relativement petit format, ce qui peut surprendre dans une très grande église. S'il est fait de pierre, il peut être constitué d'une dalle horizontale, soutenue à ses angles par quatre colonnettes. Le plus souvent, il est fait en bois, et recouvert de plusieurs épaisseurs d'étoffes précieuses.
Sur l'Autel, ne devraient se trouver strictement que l'Évangéliaire et la Croix. Souvent, on met deux croix sur l'Autel, sans doute par souci de symétrie ? Derrière l'Autel, existe la coutume de mettre un chandelier à sept branches inégales, tandis que derrière celui-ci se dresse une croix ornée, soutenue par une hampe. Fréquemment, deux chandeliers viennent s'y ajouter, ainsi que deux « rhipidia » figurant des Séraphins - instruments utilisés par les diacres.
L'ensemble de ces accessoires ne peut toucher à l'Autel : derrière celui-ci, est disposée une étroite petite table qui supporte le tout. De même, le livre qu'emploie le prêtre en célébrant ne peut, lui aussi, toucher l'Autel. Il existe donc, à gauche de l'Autel, un petit pupitre destiné à recevoir ce volume.
Comme nous l'avons dit, sur l'Autel même, et au centre de celui-ci, se trouve l'Évangéliaire - et non pas une bible ! Car seul l'Évangile est jugé digne d'être posé sur la sainte Table. Ni les écrits de l'Ancienne Alliance, ni les Épîtres, ni les Actes des Apôtres, ni l'Apocalypse ne peuvent être posés en cet endroit éminemment saint. D'ailleurs, nul ne peut toucher à l'Autel - ni aux vases sacrés - à part les prêtres et diacres, et le tout avec le plus grand respect.
Sous l'Évangéliaire, ce trouve plié l'« antimension », lui-même enveloppé dans l'« éliton ». « Antimension » veut dire « au lieu de la table ». En quelque sorte, il « tient lieu d'Autel ». Il s'agit d'une étoffe de soie sur laquelle figure la représentation du Christ au tombeau. À cette étoffe est jointe une relique. L'antimension porte obligatoirement la signature de l'évêque dont dépend l'église où est célébrée l'Eucharistie. C'est le signe même de l'unité qui existe entre l'évêque, le célébrant, et son église. C'est ce que nous voyons sur la photo jointe. L'étoffe violette est l'« éliton », du grec εἰλύω, « envelopper ».
À l'origine, l'Eucharistie était fréquemment célébrée sur les restes des martyrs, c'est-à-dire sur la pierre recouvrant leur sépulcre. Les Autels les plus anciens qui étaient faits de bois ont disparu, mais ceux qui étaient en pierre montrent une dalle horizontale, souvent creusée en son centre, et soutenue par un ou quatre piliers. Cette dalle de pierre contenait généralement un fragment de relique des martyrs, en mémoire de l'ancien usage. Ensuite, fut encastrée dans l'Autel même une « pierre d'Autel » de forme carrée et de faible épaisseur, consacrée par l'évêque, et contenant des reliques. C'est l'usage qui a prévalu en Occident jusqu'à une époque récente.
Lors de la crise iconoclaste à Byzance aux huitième et neuvième siècles, les persécutions furent telles qu'il y avait intérêt à pouvoir s'enfuir immédiatement, emportant les vases sacrés, l'Évangéliaire, et l'Autel consacré. Ce dernier point posant problème, il s'agissait d'une pierre (!), il fut résolu d'employer une étoffe - nettement plus transportable - dûment assortie d'une relique. C'est notre « antimension » actuel qui repose, aujourd'hui encore, sur chaque Autel. Sans doute peut-il nous rappeler que nous sommes des voyageurs sur cette terre - seulement de passage - et qu'il nous faut « voyager léger », en chemin vers le Royaume.

Publié dans Côté iconostase

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