A la source du nom

Publié le par Albocicade

Nous avons depuis peu laissé la voiture sur le bord de la petite route, perdue dans la nature, et marchons tranquillement vers un vallon. Au détours d'un buisson, elle apparaît. Ruine, certes, mais majestueuse encore. Façade en belles pierres de taille bien appareillées, largement ajourée de trois fenêtres en voûte, une longue saignée rappelant que – fut un temps – un auvent protégeait la passerelle qui permettait d'accéder à la porte principale, par dessus le ruisseau.
Nous descendons, arrivons au niveau de l'église, la longeons pour accéder à la poterne latérale par laquelle nous pénétrons dans l'enceinte.
Plus d'autel, certes, mais la voûte du choeur est toujours debout, intacte. Là où, il y a des siècles, s'élevaient des prières en latin, j'y vais discrètement d'un "Notre père" en grec, de quelque invocation en slavon, en français... Union du sens par-delà les langues et les temps.
Le sol de la nef s'arrête brutalement, avant l'entrée principale : là où il n'y a plus que béance, il y avait un plancher qui prolongeait la passerelle d'accès. Maintenant, on surplombe directement la source, à bien trois mètres en contrebas mais toujours dans l'enceinte de l'église.
Pourquoi à l'intérieur de l'église ? C'est que les temps n'étaient pas sûrs, en ce XIIe siècle, lorsque fut bâtie le prieuré dont elle était l'église prioriale. Protégée par les murs épais elle ne pouvait être détournée par l'ennemi, en cas d'attaque.
Par la suite, bien sûr, on a dit qu'elle avait des vertus curatives, voire miraculeuses... mais sa vertu première, et peut-être bien la seule, c'était de pouvoir fournir de l'eau tout au long de l'année à cette communauté de moniales bénédictines. Probablement, à l'époque, pouvait-on y accéder par un escalier dans l'église. Aujourd'hui, plus de plancher, plus d'escalier. Mais on pouvait aussi (et on le peut toujours) y aller par une autre poterne, en contrebas, au niveau de la source.
Des bâtiments monastiques, il ne reste rien... il faut dire que depuis plus de 600 ans, le site a été délaissé, et même le parement extérieur de l'église a, sur une grande partie, été enlevé, récupéré pour des constructions ailleurs.
En ressortant, je vois une plaque des "Monuments historiques" indiquant qu'elle s'appelle église "Notre Dame la brune". Cela m'interroge : pourquoi un tel vocable ? S'agirait-il, une fois encore de ces "vierges noires" dont se repaissent les amateurs d'ésotérisme tellurique ? En fait, non. Il existe plusieurs églises "Notre Dame la brune", ou (et la formule est plus juste) "Notre Dame de la brune", et leur caractéristique est d'être associée à une source, une fontaine. Or c'est bien de là que leur vient leur nom : par un de ces déplacement dont la toponymie est familière c'est le mot d'origine germanique "brunn", désignant une source qui s'est "francisé" au cours des siècles en "brune"... "Notre Dame de la source".
 
Est-elle pour autant désertée par la prière, cette ancienne église ? Tout autours stridulent des cigales (dont celle-ci, qui titubait sur le sentier à côté), et je sais bien ce qu'elles chantent :
"Seigneur, notre Seigneur,
qu'il est admirable ton nom sur toute la terre!"
Au fait, j'ai trouvé un site (un poil trop tendancieux à mon goût, mais néanmoins fort intéressant) qui présente des photos et autres documents sur ladite église, qui se trouve sur le territoire d'Aleyrac.
 
Et pour l'étude toponymique, rien ne vaut le document de l'IGN :  "Les noms de lieux, glossaire des termes dialectaux".
 

Publié dans Vie quotidienne

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L
Incroyable que je n'y sois jamais allée (pire: je ne connaissais même pas son existence) après des dizaines d'années dans la région. La prochaine fois...(soupirs!)<br /> Merci!
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B
Der Brunnen c'est la fontaine ,die Quelle la source....donc il y avait une "construction" humaine au niveau de l'emergence dela source...
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