Qui, dans les Béatitudes ?
Régulièrement, que ce soit à l'Eglise ou ailleurs, les Béatitudes m'accompagnent, au point que c'est un des tout premiers textes que j'ai préparé pour mon codex.
Comment en serait-il autrement : c'est un résumé des plus drastiques de l'Evangile, un des textes les plus paradoxaux du Nouveau Testament.
N'empêche… j'ai un peu du mal à m'y retrouver, dans les Béatitudes, à m'y reconnaître. Lequel, lesquels suis-je ?
Pauvre en esprit, moi qui aime tout de même bien mon petit confort ? Sans rêver de yacht ou de millions, je vis tout de même dans un des pays les plus riches de la planète, et m'en accommode sans doute trop bien. Ni Jean le Miséricordieux ni François d'Assise ne me reconnaîtraient pour un de leurs disciples. Non, décidément, ce n'est pas moi.
Affligé ? Il y a belle lurette que l'on ne m'a pas vu pleurer. Sans doute je n'ai pas subi de grands malheurs, mais si je ne pleure pas sur moi, je ne le fais pas non plus avec ceux qui souffrent, et ma sécheresse d'yeux pourrait bien s'apparenter à une sécheresse de cœur, un manque d'empathie. Bref, là non plus, ce n'est pas moi.
Serai-je alors parmi les doux ? Sans être véritablement un sanguin, j'admire ceux qui savent reprendre avec douceur, écouter avec longanimité, expliquer avec patience, corriger avec délicatesse. Et admire-t-on ce que l'on fait soi-même ?
Affamé et assoiffé de Justice. Ce doit être ça ! Quoique… s'il est vrai que j'ai travaillé dans le social (et même bénévolement), c'est surtout parce que ça s'est présenté comme ça. J'en ai connu, des assoiffés de justice, prêts à battre le pavé chaque fois que nécessaire, à se faire "la voix des sans-voix", à mettre en œuvre des projets concrets pour les maltraités de toutes sortes… Mais moi, non… je ne suis pas de cette race là.
Miséricordieux, peut-être ? Sincèrement, j'espère vraiment que Dieu l'est plus que moi… sinon il y a du soucis à se faire !
Cœur pur ? Ah, si seulement…
Il reste quoi ? Pacificateur ? Si bien souvent je me retiens d'exprimer un avis, une opinion, pour ne pas rajouter de l'huile sur le feu, il y a loin entre ça et apaiser les conflits, les personnes. Non, hélas, là encore, ce n'est pas moi.
Alors, persécuté pour la Justice ? Franchement, non seulement je ne le suis pas, mais en outre ça ne me tente pas du tout ! Si j'admire les martyrs, je suis terrifié par ce qu'ils ont eu à subir, et n'espère qu'une chose : c'est que me soit épargnée cette épreuve.
Ainsi, je ne suis nulle part, dans les Béatitudes. Ah, si…en fait, dans la toute première phrase.
Bien sûr, elle n'est pas glorieuse , la place de celui qui s'exprime ainsi. Le tout premier qui l'ait fait était en train d'agoniser sur une croix, condamné à cause de méfaits qu'il ne niait pas.
Oui, c'est bien dans ces paroles que nous disons en préambule que, sans aucun doute, je me situe.
Dans ton Royaume, souviens-toi de nous, Seigneur.
Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux.
Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.
Bienheureux les doux, car ils hériteront la terre.
Bienheureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés.
Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.
Bienheureux les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu.
Bienheureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux.
Bienheureux serez-vous lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux.