Annonciation 2014

Publié le par Albocicade

Allons bon ! Voila que j'ai raté la fête de l'Annonciation.

Bien sûr, je travaillais ce jour là, mais je n'ai pas même pensé à anticiper un petit billet pour le jour dit.

N'empêche…

Le lendemain, j'étais de nouveau au travail.

Une de mes interlocutrice d'un instant me demande la date.

Je répond : "Le 26", et j'ajoute, l'air de rien : "Le lendemain de l'Annonciation".

Un peu surprise, elle lâche un "Ah, ben on est sauvé, alors…"

Comme ça, histoire de dire, de se donner une contenance.

Je lui réponds alors, presque sans réfléchir : "Disons que ça y a bien participé !"

 

En effet, cette visite du Messager, l'archange Gabriel, n'est-elle pas – ainsi que le dit la Liturgie – l'aurore de notre Salut ?

La prophétie faite dans le prophète Esaïe (7.14) qui devient réalité : "Voici que la vierge devient enceinte…"

Quoi ? On me dit que dans le texte hébreu, ce n'est pas "vierge" (Betulah), mais "jeune femme" (Almah) ; que le mot "vierge" vient de la Septante ? C'est vrai, et alors ? Si la "jeune femme" désignée par Esaïe est une épouse dûment mariée, quel "signe" doit on voir dans le fait que Mme Untel a accouché ? Et si elle n'est pas mariée, alors ne rejoint-elle pas la triste cohorte des jeunes femmes trahies par quelqu'amoureux prétendument transi de passion ? Là non plus, il n'y a pas de "signe" annonciateur. Aussi, dans la société israélienne de l'époque d'Esaïe, il n'y a pas la moindre ambiguïté possible : cette "jeune femme" ne peut qu'être vierge.

Par contre, pour traduire le sens dans la société hellénisée et quelque peu dépravée d'Egypte, il faut nécessairement préciser, et c'est en parfaite connaissance de cause que le brave Shymeon, qui traduisit en grec le Livre du prophète, choisit le mot "parthenos"… que l'on retrouve dans l'Evangile.

 

Ceci étant posé, qui dira dans quel abîme de doute fut plongé Joseph !

On en trouve un exemple dans une homélie (attribuée à Proclus de Constantinople et que j'ai placée dans un petit volume sur internet) que je vous livre ci après.

 

La grossesse de Marie se fit visible, et cette vue causa une douleur profonde dans le cœur de Joseph ; voyant les signes de cette grossesse il crut que sa fiancée l'avait trompé. Ces circonstances le jetaient dans un trouble et dans une agitation inconcevable. Il vit distinctement qu'elle était enceinte et ne douta pas qu'elle ait trahi son devoir. Le soupçon qu'il eut de l'infidélité de son épouse fut plutôt un effet de son incrédulité qu'un manque de connaissance, puisque L'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ton épouse".

Mais cette apparition ne le guérit pas entièrement de ses doutes : "Je ne croirais pas qu'elle ait conçu, dit-il, jusqu'à ce que je voie l'accouchement, les ténèbres de mon ignorance ne seront dissipées que lorsque je verrais la lumière. Je ne rejetterai pas les pensées que j'ai à l'esprit et qui me troublent jusqu'à ce que je voie son enfant premier-né. Et puisque je ne peux me défaire de ces pensées affligeantes, il faut donc que je songe à la répudier pour échapper aux moqueries et aux insultes des hommes : par ce moyen, ma fiancée échappera au supplice dont elle est menacée par la rigueur de la Loi".

Et ne pouvant ajouter foi aux divins oracles qui lui avaient été révélés par l'Ange du Seigneur, il lui parla de la sorte : "Eloigne-toi de ta famille et de la Judée, puisque par ton impureté tu ressembles à une païenne."

La vierge sainte répliqua avec beaucoup de douceur et de modestie à un reproche si douloureux : "Les signes de ma grossesse te donnent des soupçons concernant ma fidélité."

- "Une honnête femme, dit Joseph, ne fait jamais rien contre l'honneur ni contre la piété."

- "Tu crois, répliqua Marie, que j'ai trahi mon devoir, mais tu ne me donnes pas le temps de me justifier".

- "Penses-tu qu'en niant les faits, tu puisses rendre douteux les signes visibles qui t'accusent ?" répondit Joseph.

- "Mais, reprit Marie, si tu examines avec soin les oracles des prophètes, tu y apprendras qu'il y est question de la naissance miraculeuse du Messie".

- "Tu ne t'es pourtant guère soucié d'observer les saintes lois du mariage, et tu n'as pas cru que ta conduite devait être examinée avec tant d'exactitude."

- "Crois-tu, répliqua Marie, qu'il faille condamner sur un simple soupçon celle qui n'a jamais rien fait contre son devoir ?"

- "Ma probité, dit Joseph, m'empêchera peut-être de t'abandonner aux mains de ceux à qui il appartient de juger de ces sortes de crimes".

- "Le Seigneur, répartit Marie, sera mon Juge ! Il est descendu dans mon sein de la manière que lui seul connaît".

- "Mais, répliqua Joseph, les indices manifestes de ta grossesse ne te troublent-ils pas ? Comment prétends-tu les accorder avec ta pureté ?"

- "Patiente, dit Marie, le temps que l'Enfant doit demeurer dans mon ventre, et tu verras que cet enfantement est tout saint et tout miraculeux".

- "Te flatterais-tu, répliqua Joseph, de m'éblouir et de me tromper par des paroles et des promesses si magnifiques ?"

- "Ce que je te dis, répliqua. Marie, te paraît nouveau et surprenant, et tu ne me croiras pas jusqu'à ce que les événements aient justifié mes paroles."

- "Je ne veux pas, dit Joseph, me séparer de toi à cause de la parenté et de l'alliance qui nous lie, mais je ne peux pas non plus me résoudre à faire quelque chose qui m'éloigne si peu que ce soit de la Loi".

- "Crois, ajouta Marie, que la racine de Jessé a produit une fleur immortelle !"

- "Quand j'aurai vu, dit Joseph, la naissance du Messie, je dissiperai ces pensées qui me remplissent l'esprit d'inquiétudes".

 - "La Loi, répliqua Marie, m'oblige à t'aimer comme mon Epoux. Cependant, prends garde d'offenser Dieu par les soupçons injustes que les signes de ma grossesse font naître en toi".

- "C'est ce qui m'a empêché jusqu'à maintenant, répliqua Joseph, de me séparer de toi".

-"Souviens-toi toujours, dit Marie, du temps marqué pour la naissance du Sauveur, et tu te libèreras de cette incrédulité que l'esprit mauvais t'a inspiré".

- "Ta beauté, reprit Joseph, et les agréments de ta personne ont fait naître en moi le soupçon qui me tourmente".

- "Prends donc patience encore pour quelque temps, répartit Marie, si tu veux mériter les récompenses que Dieu te prépare".

- "J'attendrai, dit Joseph, jusqu'à ce que j'aie le bonheur de voir le Messie".

- "Alors, répondit Marie, tout le monde dira que nous sommes bienheureux quand on nous regardera comme le père et la mère du Sauveur des hommes".

 

Petit rappel :

le petit volume "Proclus de Constantinople : Homélies pour les fêtes", que j'ai mis en ligne l'an dernier est toujours accessible sur Archive et sur Scribd

 

Publié dans Cigale patristique

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