Pouêêêt !
S'il existe des sociétés dans lesquelles la musique s'expose librement, ce n'est guère le cas de la France. Enfermée, moderne conserve, dans des lecteurs MP3, passant silencieusement le long du fil jusqu'au très individualiste "casque audio", la musique relève de la sphère privée.
Une fois l'an seulement, exception confirmant la règle, chacun est convié à sortir qui sa guimbarde, qui sa guitare pour que de manière républicaine jouent hautbois et résonnent musettes.
Naguère encore, en témoigne Monsieur mon père, on chantait sur les chantiers. Aujourd'hui, c'est au mieux (et "le mieux est l'ennemi du bien") un mauvais poste qui diffuse une quelconque radio musicommerciale, le genre à programmer les mêmes chansons plusieurs fois par jour, toujours dans le même ordre, et à répéter l'opération à l'identique pendant des semaines. Nauséeux.
Pourtant, la musique n'est pas morte, et c'est ainsi que dernièrement nous nous sommes retrouvés au "7eme concours de trompette" de l'Isle sur la Sorgue.
Ils étaient 8o jeunes répartis en six catégories, de "Débutant" à "Excellence" à concourir : véritable salle de spectacle, accompagnement au piano, jury de haut niveau ; c'était tout un univers qui se découvrait à nous. A la jeune cigale, surtout, puisque c'est elle la trompettiste de la famille.
Bien sûr, 80 jeunes qui font des bêtises dans une cité, ça fait la une des journaux, mais 80 jeunes qui s'impliquent, qui travaillent toute l'année et qui se retrouvent pour partager le fruit de leur efforts, ça ne fait guère plus de dix lignes en sixième page du quotidien local. Ce qui est bien dommage puisque, comme le notait Pierre Dutot, le président du jury, si on en parlait un peu, peut-être que certains de ces désoeuvrés se laisseraient tenter par quelque chose de plus ambitieux que de brûler des voitures…
Mais il y a "musique" et "musique", et si les premières catégories avaient des œuvres imposées à complexité adaptée et à ligne mélodique garantie, le niveau "Excellence" avait "programme libre". Et plusieurs des compétiteurs de ce niveau allèrent chercher leurs partitions chez des compositeurs "contemporain". Musique hautement technique, certes, démontrant une superbe maîtrise de l'instrument, j'en conviens, mais allant de "peu mélodieuse" à "véritable supplice pour les oreilles". Musique déconstruite, sons erratiques, murmures et grincements : aussi swinguant qu'une presse hydraulique mal calée.
Un de ces concurrents osa toutefois ne pas tout sacrifier à la technicité pure et nous fit entendre, excellemment joué, quelque morceau de classique. Autant l'avouer, même pour moi qui, dans ma jeunesse, écoutais plus "Téléphone" que "Telemann" (j'ai quelque peu décroché du rock, depuis) ce fut plus qu'un réconfort : quelque chose approchant de la Beauté. Il n'en fut d'ailleurs pas pénalisé et obtint une brillante seconde place dans sa catégorie.
Quant à la jeune cigale, elle se tira de ce saut dans l'inconnu (c'était son premier concours, et passant première de sa catégorie, elle n'a pas même eu un aperçu de ce qui l'attendait) de manière tout à fait honorable, se voyant décerner une mention "Très bien".
Du coup, et même si elle sait ce que cela implique de travail persévérant, elle attend le prochain concours, dans un an.
A vrai dire, il y en aura bien un autre à l'automne, qui n'a lieu que tous les deux ans… mais c'est loin, Alençon.
Un dernier mot : grand merci à son professeur qui a eu l'idée de nous parler de ce concours. Il était d'ailleurs présent, ayant fait le déplacement pour soutenir ses élèves (il y avait aussi un garçon du village, dans une autre catégorie) sur une véritable moto de musicien.