Vendredi saint 2022

Publié le par Albocicade

Mathal du maître se substituant à son serviteur
Le moine Jirji : Il y avait un homme de haut rang, possédant naturellement toutes les qualités, qui avait un serviteur à qui il avait accordé toute sa confiance. Ce serviteur, il l'avait comblé de ses bienfaits, n'épargnant rien pour son éducation, l'enrichissant de ses propres richesses, puis l'élevant auprès de lui. Se voyant ainsi élevé en honneurs, le serviteur se mit à suivre ses propres désirs, oublieux des attentes de son maître. Dans sa rébellion, il s'acoquina avec des hommes mauvais qui, sous le masque de l'amitié, s'employaient à sa perte. S'étant réunis, ils décidèrent de le jeter pieds et poings liés dans un cachot, puis de le faire périr. Dès lors qu'il fut réduit à ce triste état, il sombra dans le désespoir. Son maître, ayant appris ce qui était advenu de son serviteur et le sort qui lui était réservé, fut ému de compassion pour lui et décida de se sacrifier en sa faveur. Il s'y prit de la manière suivante : s'étant défait de ses vêtements luxueux, il revêtit des habits communs, prenant l'apparence d'un simple homme, puis il attendit une occasion pour pouvoir s'introduire dans la prison, lorsque les gardes relâcheraient leur vigilance. Etant entré, il se rendit au lieu le plus reculé de la prison, où il trouva son serviteur au désespoir, réduit à la dernière extrémité. Bouleversé de pitié, le maître échangea ses vêtements avec ceux de son serviteur, puis s'enchaînant lui-même il prit la place du serviteur, lui ordonnant de quitter la prison. En le congédiant, il ajouta : "Je me sacrifie pour toi, et mon sang sera versé pour que tu puisses être libéré". Le serviteur sortit de la prison, totalement stupéfait, réfléchissant à l'incroyable bonté de son maître envers lui, quoiqu'il en fût indigne. Le maître, de son côté, subit la peine qui avait été décidée contre le serviteur : il fut crucifié et mis à mort. Le serviteur assistant à l'exécution de son maître, lui cria : "O mon maître, que puis-je faire en remerciement pour ce que tu as fait pour moi ?" Son maître répondit : "Garde toujours le souvenir de ma bonté à ton égard, la mémoire de la pitié que j'ai manifesté pour toi ; conserve toujours sur toi un signe, un symbole de ma mort, et raconte à tout le monde ce que j'ai fait pour toi".  Que devait faire ce serviteur, devait-il obéir ou non ?
Abou Salamah : Bien sûr qu'il devrait, tout au long de sa vie, prendre grand soin de faire ce que son maître lui a demandé !
Le moine Jirji : As-tu vraiment compris le sens et la portée de cette histoire ?
Abou Salamah : J'en ai bien compris une partie, mais poursuis, explique nous-la.
Le moine Jirji : L'homme de haut rang, c'est le Seigneur, le Messie, Parole et Esprit de Dieu. Le serviteur c'est moi et ceux qui, comme moi, sont de la nature d'Adam, car nous avons désobéi aux commandements de Dieu pour adorer des idoles et faire mille autres abominations selon nos inclinations déréglées. Les hommes mauvais, ce sont les démons qui égarent les hommes par les désirs sensuels et une indulgence envers les passions. La prison et la condamnation à mort, c'est ce monde, et après lui les peines de l'enfer. La compassion du maître envers son serviteur représente la bonté de Dieu et sa miséricorde envers ses créatures. L'entrée du maître dans le cachot désigne le séjour du Messie sur la terre, et le sacrifice que le maître fait de sa vie en faveur de son serviteur, c'est celui qu'a fait le Messie pour racheter tous les hommes de la mort et du péché. Ce que le maître dit à son serviteur : "Porte toujours sur toi un signe de ma mort, et raconte à tout le monde ce que j'ai fait pour toi, de sorte que chaque fois que tu verras ce signe, tu te souviendras de mes bontés envers toi" ; ces paroles signifient que nous devons observer les commandements du Maître, et nous souvenir de ce qu'il a fait pour nous tous les jours de notre vie. Ce signe, la croix, nous communique une force triomphante contre le mal qui peut nous venir des hommes ou des esprits mauvais. Nous portons donc sur nous ce signe, ce symbole, et nous annonçons les bontés du Seigneur envers nous, et nous disons : "Par ce qui est signifié là, le bienheureux Fils de Dieu s'est donné lui-même à notre place, lui qui est le Messie, le Seigneur, Verbe et Esprit de Dieu, comme une rançon : il est notre délivrance de la mort et de nos ennemis".
C'est pour cela que nous faisons le signe de la croix sur notre front, notre visage, et sur notre corps. Nous ornons de ce signe nos maisons, nous le plaçons sur les portes de nos monastères et sur celles des maisons ; nous en mettons l'empreinte à tout ce qui nous appartient ; nous en portons une au cou, en plaçons sur les chemins et sur les endroits élevés, et dans les villes et les villages, en mémoire des bienfaits et de la miséricorde du Maître envers nous. Ce n'est pas le bois, ou quelque autre matière dont elle est composée, que nous adorons, mais nous rendons nos hommages au symbole et nous prosternons devant ce signe sur lequel nous voyons le nom du Messie – car nous avons coutume d'écrire sur la croix "Jésus le Messie, Fils de Dieu" lui qui est son Verbe et son Esprit. Et tandis que nous nous inclinons devant l'image du Messie, notre esprit est tourné vers Celui qui y est représenté.
Mais en voilà assez pour la croix.
(Extrait du Débat entre le moine Jirji al Semani et des lettrés musulmans)
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