Le saloir

Publié le par Albocicade

Il y avait longtemps que nous ne nous étions pas vu, et l'occasion s'étant présentée, nous devisions de tout et de rien, confortablement installés dans leur maison de famille. Sur une commode, à côté, je vois un curieux groupe sculpté en bois, de taille modeste et de facture plutôt ancienne. La composition pourrait s'apparenter à des "baigneuses", mais manifestement, il s'agit d'autre chose.

Pour tout dire, l'hypothèse des "baigneuses" ne s'est présentée qu'en second lieu, car tout dans la morphologie des personnages indique qu'il s'agit d'enfant ; trois enfants sortant d'un tonneau. Aurions-nous là une scène de vendange, le foulage des raisins ? Pas plus. Le calme, la pondération, le sérieux de la sculpture n'a rien de la jovialité hilare des scènes liées au vin. Et puis, une fois encore, il s'agit de trois enfants, trois jeunes enfants.

De sorte que le "tonneau" est nécessairement un saloir.

Allons bon ! Depuis quand met-on des enfants au saloir, comme de vulgaires jambons et autres cochonnailles ? Hé bien... Depuis le XIII° siècle, environ. Plus précisément dans une "légende de St Nicolas" qui connut un grand succès en occident. Oh, à vrai dire, cette légende connut quelques variantes (et cet article de Gallica fait bien le point dessus) mais la trame qui s'est imposée est celle là : trois enfants égarés sont accueillis chez un boucher... qui les tue et "les met au saloir comme pourceaux". Sept ans s'écoulent, puis "le bon st Nicolas" passant dans les parages s'arrête chez ledit boucher, qui s'empresse de lui proposer une collation. Cependant nulle viande présentée ne l'agrée, et le bon saint réclame "de cette viande au saloir depuis sept ans". Le boucher meurtrier s'enfuit éperdu, tandis que le saint, bénissant le saloir, ressuscite les enfants.

Une légende tardive, qui en dit plus sur la piété médiévale et l'inconscient collectif que sur le saint évêque de Myre en Lycie, sans doute, et qui a fini par devenir une comptine pour enfants... chantée même par Dorothée.

Mais la légende peut croiser la route du réel, et lorsque trois jour plus tard j'ai vu l'affiche ci-dessous à la devanture d'un boucher... j'ai frémi.

 

Publié dans Vie quotidienne

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