Usurpation d'identité

Publié le par Albocicade

"Avant toute chose, je vous encourage à prier pour tous les humains..." Ce n'est pas moi qui le dit, mais bien l'Apôtre[1].

Prier pour les autres... en leur faveur.

Si la prière liturgique est souvent et expressément une prière d'intercession, la prière personnelle – en particulier la fameuse "prière du coeur" a une certaine tendance "individuelle" :

Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant,

aie pitié de moi, pécheur.

 Pour autant, cet apparent "égocentrisme" doit se comprendre dans la perspective énoncée par St Seraphim de Sarov :

Acquiers la paix intérieure

et une multitude trouvera le salut auprès de toi.

Pour autant, notre prière est aussi tournée vers les autres, par exemple dans le "Notre Père", ce que "je" demande (nourriture, pardon et libération du mal), ce n'est pas seulement pour "moi" mais pour "nous". Et bien d'autres prières ont pour objet les plus démunis d'entre nous (comme celle-là, à connaître... sur le bout des doigts).

 

Mais il y a encore une autre manière de prier, celle de "l'usurpation d'identité". Je m'explique.

Il y a des années, lisant un livre de Richard Wurmbrand[2], je tombe sur un passage où il dit en substance que, dans certaines conditions de souffrance et d'épuisement un chrétien peut se trouver démuni au point de ne pouvoir ni penser, ni prier. On peut bien sûr prier en faveur de ces personnes, mais Wurmbrand va plus loin et invite à prier "à la place de ces personnes".

Il ne s'agit pas de chercher qui pourrait bien être en une telle détresse afin de nous draper dans une bonne conscience qui nous autoriserait à nous présenter devant Dieu en disant "je prie à la place d'untel, le pôvre ne peut pas..."

Non.

Un jour, j'ai entendu le P. Mihai, qui célébrait à Avignon dire, durant la Liturgie :

Nous te prions pour ceux auxquels personne ne pense

et en faveur desquels personne ne prie.

Oui, c'est bien cela.

Usurper une identité inconnue :

Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant,

aie pitié de moi –

quel que puisse être ce "moi" –

pécheur.

Parce qu'une chose est sûre, contrairement à l'adage dostoïevskien trop souvent répété, ce n'est pas la "beauté" mais la "bonté" qui changera le monde[3].

 

Les notes

[1] Première épitre à Timothée, 2.1

[2] Richard Wurmbrand, pasteur luthérien, a fait connaître la réalité terrifiante des conditions de vie (et souvent de détention) des chrétiens en Roumanie communiste dans les années 1970. Je pense que c'est dans "L'Eglise du silence torturée pour le Christ" que j'ai lu la recommandation en question.

[3] Bon, si la "beauté" nous amène sur la voie de la bonté, alors elle participe au salut du monde, sinon elle n'est qu'esthétisme vain.

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