"Saint Ju"

Publié le par Albocicade

 

Quoique je n'ai guère vécu à Lyon, il y a un fond de "canut" en moi, et des bribes de "parler Yonnè". C'est ainsi que j'ai toujours entendu parler de "Saint Ju", un des quartiers de Lyon, sans y jamais mettre les pieds. Plus tard, j'ai su que "Saint Ju" s'écrit "Saint Just"[1]. Mais de ce saint, je ne savais rien. Et à vrai dire, je ne m'en souciai pas.
Et voila que – participant à la rédaction d'un livre sur St Macaire et les "pères du désert d'Egypte" – je le rencontre... bien loin de Lyon.
Pourtant, originaire de Tournon, il était évêque de Lyon à la fin du IV° siècle. Un évêque respectable et respecté, présent au concile de Valence et à celui d'Aquilée.
Pourtant, un jour, un drame dont il se considéra comme responsable l'ébranla profondément.
Oh, il n'y était pour rien, mais...
Racontons.
Un homme, pris de folie furieuse, assassinat plusieurs personnes dans le rues de Lyon puis se réfugia dans l'église, se prévalant du droit d'asile inviolable de ces lieux. La foule, furieuse, exigea que l'évêque Justus leur livre le criminel pour le mettre en pièce. Considérant qu'ajouter crime à crime, malheur à malheur n'était pas une bonne chose, l'évêque chercha à parlementer avec la foule et parvint sinon à les calmer, du moins à les retenir jusqu'à ce qu'un magistrat se présente. Celui-ci demanda à prendre en charge le meurtrier pour le conduire en prison, sain et sauf. L'évêque accepta. A peine sortit de l'église sous la garde du magistrat, l'assassin – happé par des mains vengeresses – périt sous les coups de la foule.
L'évêque Justus, se reprochant d'avoir cédé à la persuasion du magistrat, se considéra dès lors comme personnellement responsable de la mort de cet homme qui était venu chercher refuge auprès de lui. Se regardant comme indigne de l'épiscopat, il se retira d'abord à Tournon, puis, prenant la route du Sud et passant par Arles et Marseille, fit voile vers l'Egypte. Là, il se rendit au "désert de Scété" où – en compagnie d'un lecteur de son église qui l'avait accompagné, il se fit recevoir comme simple moine, ne parlant à personne de son rang d'évêque.
Quelques années plus tard, un pèlerin lyonnais devint moine à Scété et reconnaissant son ancien évêque lui fit une métanie en lui demandant sa bénédiction. Les autres moines présents, étonnés de cette conduite étrange devant un "simple moine", apprirent ainsi que ce moine aussi modeste que discret était en fait le Métropolite de Lyon en Gaule.
(On trouvera d'autres détails ici)
Curieusement, cette période de la vie de St Just me fait penser à un autre saint évêque : St Nectaire d'Egine. Evêque de la Pentapole, il fut calomnié et – plutôt que de se "cramponner à sa crosse", ou même à de chercher défendre son honneur – il accepta la déposition et partit vivre en simple moine en Grèce.
En cette période électorale où l'on voit l'ambition conjuguée au goût du pouvoir et de l'argent s'étaler sur tous les écrans – bien sûr, sous le convenable masque du "service du bien commun" – je crois qu'effectivement, le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde.
Allez, pour le plaisir, un aspect du programme économique et social de St Just : le rachat des esclaves. Tableau de Reverchon.

 

Notes :
[1] Rien à voir avec l'intransigeant révolutionnaire Louis Antoine de Saint-Just

Publié dans Vie quotidienne

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