Subjugué

Publié le par Albocicade

"Tu m'as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ; tu m'as maîtrisé, tu as été le plus fort. Je suis prétexte continuel à la moquerie, la fable de tout le monde." Le texte[1] est connu. Et même si dans l'instant le prophète Jérémie prononce ces mots avec amertume[2], en même temps il le confesse : il a été séduit, fasciné, charmé, subjugué par le Seigneur.
Une véritable "relation d'amour" qui a débuté. Et qui s'est poursuivie avec des hauts et des bas, et même des moments de crise.
Un peu comme une relation de couple, quoi.
Mais, quelles que soient les humeurs du moment, il faut avancer, continuer...
Comme dit Jésus :
"Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes."[3]
"Prenez mon joug sur vous"... mettez-vous sous mon joug... sous le joug... sub-jugué.
Non pas un joug qu'il placerait sur nous pour nous asservir. Non, prendre "son" joug sur nous pour avancer, et même, sous le même joug que le Christ, avancer et porter ensemble. Conjuguer nos effort... ensemble sous le même joug.
Je pensais à cela en relisant la description que Virgil Gheorghiu fait de l'épitrakelion[4], l'étole, cette grande bande de toile, généralement brodée que le prêtre orthodoxe doit porter pour tout office sacerdotal. Une bande de toile qu'il porte autour du cou, et qui descend, par devant, plus bas que les genoux. Epitrakélion... sur le cou, autour du cou.
S'il n'a pas son épitrakélion – comme ce fut si fréquemment le cas au XX° siècle, lorsque les prêtres étaient jetés en prison, au goulag ou dans des "hôpitaux psychiatriques" par des régimes se proclamant "progressistes", ou encore en fuite, clandestinité – il s'en fabriquera un de fortune (une quelconque bande de tissus, une corde, les rênes d'un cheval, peu importe) qu'il bénira avant de pouvoir officier. Parce que l'épitrakélion rappelle le joug du Christ, sans lequel nous ne pouvons rien.
Oui, se laisser "subjuguer" par le Christ, pour avancer et servir...
Notes :
[1] Jérémie 20.7
[2] On pourrait traduire "Tu m'as trompé..."
[3] Matthieu 11.28-29
[4] "De la 25° heure à l'heure éternelle", chap 13. La graphie usuelle de ἐπιτραχήλιον en français est épitrachélion, mais celle de V. Gheorghiu a l'avantage de ne pas induire en erreur sur la prononciation. Par ailleurs, et pour les curieux, une petite étude sur "L'attelage dans l'Antiquité."
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