Nommer les choses

Publié le par Albocicade

8 mai, jour férié. Au travail tout de même. Je vois une collègue :

- Alors, tu es venue nous prêter main forte ?

- Oh, finalement, oui.

- Tu es trop bonne...

A peine ai-je prononcé ces mots que je me rends compte de leur potentielle inconvenance.

Parce qu'aujourd'hui, une telle expression ne renvoie plus – ou si rarement – à la bonté.

Bon, ma collègue m'avait bien compris, mais elle a bien fait rire les autres en rapportant mon propos.

 

Que des expressions perdent leur sens original n'a rien de nouveau. Ce qui est plus contrariant, c'est lorsque le sens original ne trouve plus à s'exprimer. Et la bonté semble avoir disparu de l'horizon sociologique. Et par quoi est-elle remplacée ? Serait-ce par cette solidarité tapageuse qui ne fonctionne qu'à grand renfort de shows télévisés ?

 

Mais la bonté n'est pas la seule victime de ce phénomène. Disons que cela semble toucher l'ensemble de ce que l'on appelait – naguère encore – les "qualités morales".

De fait, qui, parmi les faiseurs d'opinion, se soucie des qualités morales des responsables politiques ou des grands patrons ? Oser poser la question, c'est déjà être passéiste, rétrograde. Certes, il faut l'avouer, des qualités morales ne sont aucunement une garantie de compétence.

L'absence desdites qualités non plus.

De sorte que nous avons des dirigeants tant politiques que capitaines d'industrie pas forcément compétents, mais incontestablement avides de pouvoir et de gains, et pour qui la notion de "morale" est quelque chose de tout à fait inaccoutumée.

 

Si, selon Camus, "mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde" qu'est-ce à dire quand on ne peut plus les nommer ?

Publié dans Vie quotidienne

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