Le dicton

Publié le par Albocicade

Tout dernièrement, on m'a demandé si je connaissais un dicton pouvant s'appliquer à l'année 2014.

Le principe en est, théoriquement du moins, simple : il suffit de construire une rime sur l'année en cours.

Ainsi a-t-on vu, "2011, année du bronze", 2012, année du flouze", "2013, année des balèzes"… ou d'innombrables variantes construites sur le même principe.

Défi m'était lancé, et il me fallut bien vite rendre les armes : il n'existe pas, en français de rime au mot "quatorze".

Quelque peu dépité, j'ai repris mes divagations habituelles dans les rayons inexistants aux poussières virtuelles des bibliothèques numériques.

 

Et là, dans un manuscrit datable du XVI° siècle, je lis en colophon ces deux alexandrins rimés :

Pour que bel et bon soit l'an deux mil quatorze

Pèleriner tu dois, en l'abbaye de Gorze
 

Piqué de curiosité, je survole le manuscrit dont l'écriture n'est pas sans m'être étrangement familière. C'est sur le recto du 3° folio que se trouve la réponse : la dédicace au cardinal Charles de Lorraine est signé de son copiste attitré de l'époque, qui n'est autre que Constantin Palaeocappa. Je suis bluffé ! Le revoila donc, celui-là !

Deux choses me tracassent pourtant.

En premier lieu, quelle est cette "abbaye de Gorze" ? Vérification faite, non seulement elle existe bel et bien, mais en plus le cardinal Charles de Lorraine* en fut le 58° abbé. On peut donc voir dans les deux vers rimés un appel ou une flatterie du copiste à son protecteur.

En second lieu, comment expliquer l'année indiquée ? Palaeocappa a beau être connu comme "faussaire à ses heures", il n'a jamais été catalogué parmi les faiseurs d'oracles. Aussi me faut-il, pour ne pas nuire plus qu'il n'est raison à la réputation du pauvre Crétois, avouer ma supercherie : j'ai relevé le défi comme j'ai pu et tous les détails (sauf, bien entendu ma prétendue "découverte") sont authentiques.

 

Bonne année 2014 !

 

Et si l'un de vous passe du côté de l'abbaye de Gorze et m'envoie quelques clichés, je me ferais un plaisir de les mettre en ligne.

 

Notes :

* Charles de Guise ou Charles de Lorraine (1524-1574), à ne pas confondre avec cet autre "Charles de Lorraine" (1567-1607), qui fut le 59° abbé de Gorze.

 

 

Publié dans Vie quotidienne

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E
Cette ingénieuse fiction, faisant intervenir le cardinal Charles de Lorraine m'a rappelé le rôle de cet éminent prélat dans ses contacts avec les Grecs de Venise, promus par lui au rôle d'experts en théologie pour s'opposer aux thèses protestantes. Découverte réelle, celle-ci, que j'ai faite par le site Graecia orthodoxa, en lisant le savant exposé de M. Sébastien Garnier:&quot;La communauté grecque de Venise, entre Réforme et Contre-Réforme&quot;:<br /> <br /> http://graecorthodoxa.hypotheses.org/1870<br /> <br /> Cela nous éloigne de Gorze, mais je trouve assez piquant de découvrir qu'un cardinal a trouvé des vertus à des théologiens&quot; schismatiques&quot; comme saint Nicolas Cabasilas, et que sa consultation des Grecs de Venise a stimulé ceux-ci pour diffuser les positions théologiques orthodoxes. Merci donc à Charles de Lorraine, le &quot;Pape gaulois&quot;!
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A
Je n'ai effectivement qu'un seul regret concernant le blog &quot;Graecia orthodoxa&quot;, c'est que Mme Vassa Kontouma n'ai rien mis en ligne depuis presque deux ans... Ceci dit, les liens entre &quot;grecs&quot; et &quot;latins&quot; à l'époque étaient loin d'être rares : les étudiants orthodoxes faisaient leurs études à Padoue ou Venise et les ouvrages orthodoxes étaient eux-même imprimés à Venise...