La réunion.
Ils sont là, assis en un cercle approximatif. Quelques chaises dépareillées, des tabourets bancals, un beau fauteuil, et même un vieux sommier en fer.
Le lieu même de la réunion a quelque chose d'improbable : la chaufferie d'un vieil immeuble parisien. Mais c'est là qu'elle avait installé sa "chambre", à une
certaine époque.
Et s'ils sont réunis, c'est pour parler d'elle.
Moi, assis dans un coin, j'écoute.
Et chacun, chacune y va de ses souvenirs. Incroyablement hétéroclites, ces souvenirs.
D'après l'un, elle fut révolutionnaire en Russie ; d'après un autre, c'était une poétesse. Tandis que quelqu'un affirme qu'elle fut mariée - et même deux fois - un
autre la décrit en moniale.
Si l'un parle de ses qualités de philosophe et de théologienne, c'est pour que, juste après, un autre se souvienne comment elle allait, à l'aube aux Halles de Paris
récupérer des légumes abîmés à vil prix pour son "foyer d'accueil".
Dans le fauteuil, une vieille dame acquiesce à chaque témoignage : oui, sa fille était bien comme cela, oui, c'était bien elle.
Et l'histoire continue de se dérouler : la guerre, l'occupation, l'arrestation en 1943, le camps de Ravensbrück. Les souvenirs s'arrêtent là, en 1945 : elle n'est
jamais revenue.
Les voix se taisent. Puis l'un ou l'autre prend un texte qu'elle avait écrit, le lit.
J'écoute, stupéfait : à travers ses mots, c'est elle que j'écoute se raconter.
J'en avais entendu parler, mais là, c'est autre chose : peu à peu je commence à pénétrer dans son "univers", dans sa vie.
Bien sûr, cette réunion n'a jamais eu lieu, et je n'y étais donc pas.
Pourtant c'est vraiment le sentiment que j'ai eu, en lisant, dans ce livre qui m'a été envoyé, les témoignages rassemblés, les écrits, les "pièces" de Mère
Marie.
Que dire d'autre ?
Au départ, je craignais que cette accumulation de documents ne fasse un peu "fourre-tout". En fait, c'est le contraire : cela donne un relief que n'aurait pas une
simple biographie. Il y a bien sûr des répétitions, des contradictions, des détails parfois hasardeux ; pourtant, cela ne lasse pas : étape par étape le visage de Mère Marie prend de plus en plus
de relief, loin des simplifications d'une hagiographie hâtive.
Alors, oui, même si le titre n'est pas particulièrement explicite, "Le jour du
Saint-Esprit", est un livre plutôt réussi, un livre incontestablement utile en tous cas.
Et encore "Merci" à Sacha qui me l'a envoyé !
PS :
La vigoureuse "action sociale" de Mère Marie n'est pas sans évoquer certaines actions des Pères de l'Eglise. Ce qui me fait penser que le livre "Riches et pauvres
dans l'Eglise ancienne" vient d'être réédité, ouvrage utile lui aussi. On trouvera une petite présentation de cette nouvelle édition (augmentée) sur cette page de Graecia Orthodoxa