L'impossible prière.
Concernant la situation en Syrie, il y a ceux qui savent.
Les uns savent que l'espèce de guerre civile qui ravage le pays est l'expression légitime d'un peuple injustement opprimé par un tyran, et qu'il convient à tout prix de venir en aide à ce peuple. Ceux qui savent cela savent aussi que, parmi les foules démunies devant la férocité du dictateur se sont peut-être glissés quelques fanatiques auxquels il ne faut, à aucun prix, fournir des armes. Chez ces gens là, on parle "d'Armée Syrienne Libre" d'une part, et de "partisans du régime" d'autre part. On notera que "régime", en France, renvoie à un certain "régime de Vichy", ce qui est nettement moins positif que "libre".
Les autres savent que des rebelles, pour la plupart islamistes incontrôlés, harcèlent les "Forces armées légitimes", et qu'il n'y a aucune raison que des pays étrangers interviennent dans un Etat souverain pour soutenir une opposition prétendument démocrate à visée terroriste. Ce qui serait un peu comme si quelques Nations avaient décidé d'envoyer des armes, voire de bombarder Paris, en soutien aux émeutiers de banlieue opprimés par l'infâme régime français, il y a quelques années.
Enfin, tous savent que des armes chimiques ont été employés. Et comme c'est le gouvernement syrien qui en a fait usage, cela mérite une punition. Mais, si c'était les "rebelles"… ? Ah non ! Y penser, ne serait-ce qu'un instant, serait faire preuve d'une absolue mauvaise foi. Enfin, c'est ce qu'on clame chez "les uns". Parce que chez "les autres", on est pour le moins dubitatif, voire même on n'hésite pas à affirmer que ce sont des rebelles qui ont fait cela pour forcer les étrangers à s'en prendre au régime…
Moi, dans tout ça, je ne sais pas.
Oh, ce n'est pas que je ne sache rien, non…
Je sais par exemple qu'il y a parmi les "libérateurs" des gens que je ne voudrais pour rien au monde voir triompher. C'était lors d'une balade dans le Sud de la France, un randonneur d'origine syrienne s'était joint au groupe de marcheurs auquel je me trouvais mêlé. Nous discutions Syrie, cultures syriaque et arabe, islam et christianisme… Et avec bonhomie, il m'expliqua que les alaouites au pouvoir en Syrie devraient nécessairement être délogés, afin que la Syrie devienne enfin un pays véritablement musulman. Parce que l'islam, le vrai, est le seul avenir légitime non seulement pour le Moyen-Orient, mais aussi pour l'Europe. C'était un an avant que n'éclate le "printemps arabe" ; autant dire que je n'ai guère été surpris de la tournure qu'ont prises les choses…
Oui, mais je sais aussi que, parmi ceux qui réclament, espèrent, exigent la fin du régime de Bachar El-Assad, il y a des gens qui croient en la démocratie. Mieux, il y a des chrétiens (j'étais, dernièrement, en relation avec l'un d'eux…).
En fait, il n'y a pas "une" mais "des" oppositions, un peu comme au début du XXe siècle, en Russie. Il y en avait, des groupes divers et variés à réclamer du Changement, tous avec des objectifs divergents : Mencheviks, KD, SR, Bolcheviks… (n'a-t-on pas vu un groupe défiler avec un drapeau "Pour le Tsar et pour les Soviets" ?)
Le drame de la Russie, c'est que "lorsque Kerenski a ouvert la porte, c'est Lénine qui est entré". Et on connaît la suite.
Je sais encore que je ne vis pas en Syrie, que je n'y ai même jamais mis les pieds, et que j'ignore ce qui est le mieux… ou même seulement "le moins pire".
Alors, quand parfois je veux prier, je ne sais comment faire. Je voudrais pouvoir m'impliquer dans cette prière, au moins savoir ce que je veux demander…
Mais à part les
"Seigneur, prends pitié"
et prier :
Pour des saisons clémentes,
l'abondance des fruits de la terre
et des jours de paix,
selon les paroles de la Liturgie, je ne sais pas que dire.
Et cela me désole. Et j'en soupire de tristesse.
Et peut-être est-ce justement cela, ma prière…
Comme l'écrit l'Apôtre :
De même aussi l'Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu'il nous convient de demander dans nos prières. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables… Romains, 8.26
...
Au fait, sur le photo, ce n'est pas moi…