Noël 2011
Voici un mystère nouveau et admirable !
La voix des bergers retentit à mes oreilles, non pas - comme c'est l'usage - accompagnée de la musique des flûtes, fifres et autres tambourins mais par les hymnes célestes.
Les anges chantent, les archanges font résonner leurs voix, les chérubins y vont de leurs cantiques et les séraphins rendent gloire : tous célèbrent cette fête dans laquelle ils contemplent Dieu sur la terre et l'homme dans les cieux.
Oui, Celui dont la nature était élevé se retrouve abaissé dans son incarnation et celui qui était abaissé devient élevé par la miséricorde.
Aujourd'hui Bethléem imite le ciel : les astres de son firmament, ce sont les anges qui chantent leurs cantiques; son soleil, c'est est le Soleil de justice qui ne peut être circonscrit.
A quoi bon chercher comment cela a pu être accompli : lorsque Dieu veut, l'ordre de la nature doit céder. Il a voulu , il a eu la puissance, il est descendu , il nous a sauvés : la volonté de Dieu s'accomplit en toutes choses.
Aujourd'hui, Celui-qui-est prend naissance, Celui-qui-est devient ce qu'il n'était pas.
Etant Dieu, il devient homme sans toutefois abandonner sa divinité. Ce n'est pas en perdant sa divinité qu'il devient homme, ni en s'ajoutant une qualité que d'homme il devient Dieu ; mais il est le Verbe, et, quoique sa nature demeure la même, il s'est fait chair.
Des rois sont venus, et c'était pour vénérer le Roi du Ciel qui venait sur la terre, non pas escorté par des anges, des archanges, et toute l'armée céleste; mais parcourant un chemin nouveau, une route inconnue, naissant d'une jeune fille encore vierge. Cependant, il n'abandonnait pas le gouvernement des légions célestes, ne se perdait pas de sa divinité lorsqu'il se faisait homme, et c'est pourquoi des rois vinrent l'adorer comme le céleste Roi de gloire.
Celui qui, éternellement, est né du Père d'une manière inexprimable, naît en ce jour de la Vierge à cause de moi d'une manière inexplicable et merveilleuse.
II est né du Père, avant les siècles, conformément à sa nature ; et aujourd'hui, il naît en dehors des lois de la nature et la grâce de l'Esprit-Saint en est témoin.
Ce n'est pas la nature qui a agi : c'est la volonté du Seigneur qui a opéré. Le Fils unique, qui est avant tous les siècles, impalpable, simple, incorporel, a revêtu un corps mortel et visible comme le mien !
Et pourquoi donc ? Pour que son aspect nous enseigne, et qu'ainsi enseignés il nous conduise par la main des réalités visibles vers les réalités invisibles?
Que dirai-je encore ? Ce mystère me frappe d'admiration.
L'Ancien-des-jours devient enfant; Celui qui siège, majestueux, sur un trône glorieux et inaccessible est couché dans une mangeoire; Celui qui est inatteignable, impalpable, est touché par des mains humaines ; Celui qui brise les liens du mal est enserré dans les liens que forment ses langes, parce qu'il l'a voulu ainsi.
Il a résolu de changer l'indignité en honneur, l'infamie en un titre de gloire, la faiblesse extrême en une démonstration de puissance. C'est pourquoi il a pris corps semblable au mien, afin que, de mon côté, je puisse porter son Verbe en moi ; et prenant ma chair, il m'a donné son Esprit, afin que donnant et recevant il puisse amasser pour moi un trésor de vie. Il a pris ma chair, afin de me sanctifier; il m'a donné son Esprit afin de me sauver.
Ce n'est pas la nature qui avait préparé cet enfantement, mais c'est le Maître de la nature qui introduit ce mode inusité de naissance, afin de montrer, en se faisant homme, qu'il ne naît pas comme un homme, mais comme un Dieu.
Etant Dieu, il s'est fait homme, sans renoncer à sa divinité. Etant le Verbe, non sujet au changement, il s'est fait chair: il s'est fait chair afin d'habiter parmi nous. Il n'est pas devenu Dieu, mais il était Dieu. Mais il s'est fait chair, afin qu'une simple mangeoire pût recevoir Celui que le ciel ne pouvait contenir. Il est donc posé dans la mangeoire, afin que Celui qui nourrit toute créature reçoive d'une vierge mère la nourriture qui convient à un petit enfant.
De la sorte, le Père des siècles à venir devient un enfant que l'on allaite et qui dort entre les bras d'une jeune fille, afin d'offrir aux mages un accès plus facile. Car aujourd'hui les mages arrivent et donnent comme exemple de ne point obéir au tyran : le ciel se réjouit et indique le lieu où repose son Seigneur.
Venez donc et célébrons cette fête; venez et que ce soit pour nous un jour de solennité. Que la manière de célébrer cette fête soit extraordinaire, puisque le récit de cette naissance est extraordinaire. Aujourd'hui, le lien antique est brisé, le diable est couvert de confusion, les démons se sont enfuis, la mort est détruite, le paradis est ouvert, la malédiction est effacée, le péché a été banni, l'erreur a été vaincue, la vérité est revenue, et la parole de la foi est répandue et propagée en tous lieux.
Joyeux Noël
D'après une homélie du IVe siècle,
autrefois attribuée à St Jean Chrysostome