Le comique

De temps à autre, je l'écoutais à la radio.
Un orfèvre du mot, un jongleur de paroles, un magicien de l'assonance.
Quelque sujet qu'il aborde, il trouvait le moyen d'y faire entrer de la poésie, de faire chanter les images.
C'était généralement plaisant, bien tourné, quelque peu pétillant.
Bref, pour un peu, je l'aurais tenu pour un maître en la matière.
Aussi, lorsque je me vis offrir une place pour son spectacle – il allait passer dans le coin – j'en attendais beaucoup.
Le soir dit, c'est donc avec quelqu'enthousiasme que je me rendis au lieu prévu.
Et ce fut une déferlante de mots-images, de tours d'esprit, d'allusions emboîtées. Il fallait se hausser, pousser loin son idée pour suivre. Cela fusait de traits de génie, de surprises détournant le mot attendu.
Il y avait quelque chose de fascinant en son propos.
Et puis, peu à peu, j'ai eu un sentiment étrange : les sujets se faisaient polémiques, politiques.
De spectacle, sa prestation virait au meeting.
C'était encore de la poésie, certes, mais de la poésie de propagande.
Frappant de taille et d'estoc, il pourfendait à coup de "bons mots" tous ceux qu'il tenait en un mépris imprécatoire.

Le trait était méchant, parfois injuste, le rire qui en résultait se faisait moqueur, vindicatif.
Je ne l'avais jamais entendu comme cela, dans ses courtes minutes radiodiffusée.
Et pour le coup, je ne riais plus.
Je viens de voir qu'il est de nouveau en spectacle dans le coin, cette année.
Et franchement, je n'ai aucune envie d'aller le voir ou l'écouter.