La chute

C'était il y a presque 2 ans.
Je venais à peine de commencer mon travail actuel et n'étais pas encore familiarisé avec mon nouvel environnement.
Fut-ce précipitation, inattention ?
Toujours est-il que, descendant du petit talus qui est devant mon poste de travail, je m'étalai de tout mon long.
Une chute comme il n'en arrivent (une fois achevé l'apprentissage de la marche) que 2 ou 3 fois dans une vie et qui – l'âge étant venu – se solde généralement par un col du fémur façon puzzle.
J'étais encore là, gisant, sonné, les dents sur le béton lorsque quelqu'un se porta à mon aide.
Un de ces vieillards qu'une brise fait chanceler, qu'une bourrasque soulève.
Des "comme lui", je dois pouvoir en porter deux sur chaque épaule…
Sauf que là, c'est lui qui m'aida à me relever.
Je le revois de temps en temps, et chaque fois le salue et m'enquiers de sa santé : ce parfait inconnu m'est devenu cher… ne m'a-t-il pas relevé de ma chute ?
Je l'ai même présenté , un jour, à ma plus jeune cigale :
"Tu vois, ce monsieur m'a aidé à me relever un jour que je m'étais cassé la figure…"
Elle a longuement regardé la frêle silhouette, puis incrédule a murmuré :
"Mais, ce n'est pas possible…"
Comme quoi, nul ne saurait prédire qui est son "prochain"… et encore moins dire qui ne l'est pas.