Bad way to heaven
Elle grimpe. Incontestablement, elle grimpe.
Je suis à mon poste de travail, et je la vois, de l'autre côté de la vitre, sur la vitre : une limace.
Où croit-elle aller ainsi ? Veut-elle se rendre au ciel ?
En attendant, ses efforts sont incontestables, sa progression indéniable : elle monte. Elle est déjà à plus de deux mètres du sol, et bientôt atteindra le toit.
Quel aventure croit-elle trouver la-haut ? Un champs d'herbe grasse, de laitues ombrageuses ?
Mon aventurière du "hisse-toi" est bien mal renseignée. Ce qui l'attend, au dessus de ma tête, c'est une étendue désertique, sans un pouce d'ombre. C'est – tout à l'heure – l'ardeur du soleil de midi qui aura raison de sa résolution, de son espérance, de sa vie.
Sans doute, une vieille limace lui a-t-elle dit (à moins qu'elle ne l'ait lu sur quelque "feuille de chou") qu'il fallait grimper pour trouver le meilleur, ne pas ménager ses efforts pour avoir autre chose que de l'herbe piétinée à grignoter.
Bien sûr, c'est exact… mais insuffisant.
A moins que quelque "mélangiste" ne l'ait convaincue que "pourvu que l'on monte, on est sûr d'arriver en haut !"
Mais "en haut" de quoi ?
Et la pauvresse trop peu, trop mal informée, attaque le surplomb qui la mènera – du moins le croit-elle – au Jardin des Délices*.
Je sors, récupère la gluante sur un de mes doigts et la repose à terre, sur un coin d'herbe.
Peut-être m'en voudra-t-elle de l'avoir fait échouer si près du but.
Peut-être trouvera-t-elle son bonheur sur quelque pissenlit…
Puisqu'il ne suffit pas de grimper, il faut le faire au bon endroit.
* Jardin des Délices : en hébreu, "gane édène" (גן עדן), on dit aussi "Jardin d'Eden"…