Pôvre Seraphim !

Publié le par Albocicade

L'Eglise orthodoxe russe vient de proclamer saint Séraphin de Sarov, " protecteur de la force de frappe nucléaire russe " ! C'est dans le dernière livraison du SOP.
Je connais depuis bien des années St Séraphim, pour qui j'ai une particulière affection. Je sais que Nicolas Motovilov le décrit comme "rayonnant de lumière" (un peu comme Moïse quand il venait de rencontrer Dieu), je ne l'avais jamais imaginé soumis à des radiations nucléaires !
 
Quel lien a donc été trouvé entre ce moine qui a "aimé le Christ dès sa jeunesse", "qui a vécu dans la solitude" ayant "renoncé aux attraits du monde" et qui, pour beaucoup fut la voie indiquant le salut ; et la force de frappe nucléaire russe ?
 
En fait, il y en a un : le lieu.
Le Père Seraphim était moine au monastère de Sarov, de 1778 à 1833. C'est là qu'à partir de 1822 il reçut quotidiennement des visiteurs en recherche de la vie en Christ
En 1927, le pouvoir soviétique (grand admirateur du Christ et de ses saints, comme on sait) ferma le monastère et sur le lieu dont il avait expulsé les moines, installa, sous le nom si poétique de "Arzamas-16" un centre militaire de recherche atomique, classé zone interdite jusqu'en 1995. C'est là que fut mise au point la première bombe atomique soviétique…
 
D'une part, le lieu où un serviteur de Dieu recevait tout le monde pour les mener à la vie, d'autre part le même lieu, devenu "zone interdite", pour produire des armes de destruction massive.
 
Faut-il que certains soient tombés sur la tête pour estampiller St Seraphim  saint patron d'une bombe atomique ???
J'ai beau savoir que les militaires ont (comme tout le monde) besoin du Christ, franchement, ça ne me console pas ...

Publié dans Cigale en colère

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T
Bigre, les relations entre l'église orthodoxe et le pouvoir russe tournent du nationalisme désuet à l'absurdité aveugle ! Je me demande si les parlementaires de Strasbourg savaient ça quand ils ont reçu Vladyko hier...<br /> Mais c'est surréaliste! Vous imaginez un patriarche en train de bénir une bombe de plusieurs dizaines de mégatonnes, ou de prêcher pour les vertus de la disuasion pour la paix des âmes russes? On est revenu au temps du Docteur Folamour, "or how I learned to stop worrying and loved the Bomb" ! <br /> Remarquez, le culte de saint Alexandre Nevsky, comme en France celui de Jeanne d'Arc, je m'en suis toujours méfié... Dans l'église primitive, les saints militaires s'étaient voués au Seigneur en déposant les armes (Georges, Martin, Théodore, ou même Paul) mais le concept de "guerre juste" qui a opéré le changement vers l'ére des "sains guerriers" quand l'Etat est devenu chrétien me semble révolu quand on parle de l'échelle de destruction et de paranoïa qui accompagne le nucléaire.<br /> Pour revenir à Sarov, regardez sur Wikipedia, l'atome et la Bombe sont sur les armes de la ville ! Avec cette info: on lui donna d'abord le nom de "Arzamas-60" puisqu'elle se situait à 60 km de la ville d'Arzamas, puis, jugeant que cela donnait trop d'informations à l'ennemi on le changea en "Arzamas-16". Heureusement que les reliques de Saint Séraphim voyagent (selon son voeu de "parcourir toute la terre russe", non? ou alors je confonds avec Ste Thérèse de l'Enfant Jésus ;-) sans ça le site de son monastère aurait été le premier lieu de pélerinage radioactif de l'Histoire ! Le "feu intérieur", à combien de becquerels on le mesurerait? 
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A
En fait, ce qui se passe actuellement en Russie relève plus de la sociologie que de la théologie. Après des décennies de chape de plomb et de persécution, les croyants retrouvent un droit à l'existence, et l'Eglise orthodoxe un droit de cité absolument inespéré. Du coup, une forme de réaction "post-traumatique" fait que le sens critique (qui n'avait de toute façon pas eu le droit de s'exercer durant les 70 ans de dictature soviétique) a énormément de mal à émerger. D'autre part, la culture occidentale n'est pas vue comme une alternative crédible, dans la mesure même où une conception laïque prétend avoir le monopole, excluant la religion et la motivation religieuse hors de l’espace public (ce qui rappelle fâcheusement -en plus "light", mais tout de même- le récent passé soviétique), et que d'autre part la contestation des valeurs dites "traditionnelles" est ressenti comme une perte profonde d'identité.<br /> Du coup, l'Eglise russe se "recentre" sur sa "russité", quitte à perdre de vue certains fondamentaux. Cependant, il serait injuste de leur faire un procès uniquement à charge : face au danger du nazisme, chrétiens et communistes se sont alliés sans (trop) d'états d'âmes en France, et des chrétiens ont participé à des attentats qu'ils savaient être meurtriers. L'immédiateté du danger était considéré comme justifiant ces choix, et il ne viendrait à l'esprit de personne de critiquer la part prise par des chrétiens dans la Résistance. <br /> Durant la même période, l'état soviétique a même utilisé les figures traditionnelles de la résistance russe à l'envahisseur (St Alexandre Nevsky, St Dimitri Donskoï…) pour mieux rallier les chrétiens à la "grande guerre patriotique".<br /> Ceci dit, je ne me console pas du choix qui a été fait d'associer ce magnifique témoin du Ressuscité qu'est St Séraphim avec un tel engin de terreur et de destruction…