Et ta soeur ? ou ton frère...

Publié le par Albocicade

Environnés d'une si grande nuée de témoins...
( Epître aux Hébreux 12 : 1)
Bien que l'auteur de l'épître aux Hébreux ait en vue spécifiquement les témoins de la Foi, nous pouvons constater que, dans cette "nuée de témoins" qui nous environne, un grand nombre ont associé avec bonheur, à la persévérance et souvent au courage de la foi, un sens aigu du "sacrement du frère".
 
Fondés sur la Thora et les Prophètes, enracinés dans l'enseignement et la charité du Maître, nombreux furent, au cours des siècles, les chrétiens à tenter de mettre en oeuvre la recommandation des apôtres réunis au Synode de Jérusalem de se "souvenir des pauvres" (Galates 2.10)
 
La Bible et les pauvres
Dès la libération de l'esclavage en Egypte, à la formation du "peuple d'Israël", la Thora donne à la question sociale une place incontournable, au sein même de la foi.
Les pauvres sont partie intégrante de la société, non comme une nécessité, mais comme une réalité, c'est pourquoi il est rappelé :
"Certes,
les pauvres ne disparaîtront pas du pays;
aussi, voici ce que Je te prescrit :
tu ouvriras ta main à ton frère,
à celui qui est accablé de pauvreté,
au mendiant dans ton pays."
(Deutéronome 15,11)
Car si l'Ancien Testament n'ignore pas les nombreuses causes de la pauvreté, et les condamne, le pauvre quant à lui ne peut pas être laissé à l'abandon.
Et c'est l'occasion pour les prophètes de rappeler le "devoir de solidarité" envers les pauvres, et notamment, Esaïe, dans son chapitre 58 :
"Partage ton pain avec celui qui a faim,
et fais entrer dans ta maison
les malheureux sans asile;
si tu vois un homme nu, couvre le;
et ne te détourne pas de ton semblable."
 
L'enseignement de Jésus sur cette question, ne s'éloigne pas de ces exigences :
"Donne à celui qui te demande,
et ne te détourne pas
de celui qui veut emprunter de toi."
(Matthieu 5,42).
et encore,
le fameux passage dans Matthieu 25 :
"J'ai eu faim,
et vous m'avez donné à manger,
j'ai eu soif, vous m'avez donné à boire
j'étais étranger, vous m'avez accueilli
j'étais nu, vous m'avez vêtu,
j'étais malade, vous m'avez visité,
j'étais en prison, vous êtes venus vers moi."
 
Nous pourrions multiplier les citations à l'envi, mais là n'est pas notre but.
Il nous a semblé intéressant, encourageant et instructif de faire ressortir des siècles qui nous ont précédés, quelques noms parmi tous ceux qui ont été particulièrement remarquables sur ce point.
Un certain nombre d’entre eux, ayant vécu à des périodes particulièrement tragiques (persécutions de l’empire romain, Seconde guerre mondiale...) connurent une fin dramatique.
Cet "aspect" de leur vie, liée à l’époque, ne doit pas occulter leur courage, et la manière dont ils se firent porteurs d’espoir et de vie pour les plus exclus, les plus démunis...
Beaucoup ont été officiellement reconnus par l'Eglise, certains le seront encore, d'autres jamais; mais tous ont agi "pour l'amour du Christ".
 
Le diacre Laurent
"Les trésors de l'Eglise"
Au troisième siècle, l'empereur romain Valérien décréta une persécution des chrétiens, et la spoliation des biens des églises.
En Août 258, l'évêque de Rome, Sixte 2, fut arrêté alors qu'il prêchait dans les catacombes, et décapité.
Le diacre Laurent, arrêté 2 jours plus tard, fut sommé par le préfet de lui remettre les richesses de l'église.
Ayant demandé un jour de délai, afin de pouvoir les rassembler, le diacre Laurent retourna voir le préfet le lendemain, accompagné d'une troupe de pauvres qu'il nourrissait dans sa charge de diacre.
"Voici, dit-il, les trésors de l'Eglise !"
Le préfet hors de lui, le condamna à mort.
Laurent succomba au supplice du grill, le 10 Août 258.
 
Foulques
"L'assistance à personne en danger."
A Neuilly, à l'Est de Paris, vivait à la fin du 12° siècle un dénommé Foulques, curé de son état.
De ses racines serves, il garda la simplicité de langage, ainsi qu'un manque absolu de tact.
Et pourtant, ne nous restitue-t-il pas une réalité de l'évangile lorsqu'il dit :
" Nourris celui qui meurt de faim; si tu ne le fais pas, tu es son meurtrier ! "
 
Ste Anastasia
"J'étais malade, et en prison..."
Son père était païen et sénateur, sa mère chrétienne; aussi, est-ce de sa mère qu'elle reçut son nom; Anastasia (Résurrection).
Elle naquit dans la deuxième moitié du 3° siècle, à Rome.
Sa mère, qui l'avait élevée dans la foi au Christ mourut, et son père la maria à un jeune païen du nom de Pomplius.
En cachette de son mari, elle visitait souvent les chrétiens enfermés en vertu des décrets de l'empereur Dioclétien et tentait de les soulager un peu.
Pomplius l'ayant appris, il battit violemment sa femme, puis la séquestra dans une pièce gardée par un serviteur, espérant par un régime carcéral des plus sévères la faire périr... et récupérer ainsi la fortune qu'elle avait reçue à la mort de son père.
Le décès de Pomplius, dans un naufrage, rendit à Anastasia sa liberté et sa fortune.
Ainsi libre, en pleine période de persécution, Anastasia apprit la médecine, et bravant les interdits, reprit ses visites aux prisonniers, pour les encourager et les soigner, voire même, les racheter.
Arrêtée comme chrétienne, Anastasia fut condamnée à mort, écartelée et brûlée vive, le 22 Décembre de l'an 304.
 
Le Général Booth
" Soupe, savon, salut ! "
Né en 1829, William Booth fut consacré pasteur dans l'Eglise Méthodiste de Londres en 1858.
Evangéliste infatigable, il fut frappé par la misère tant matérielle que morale de certains " bas quartiers de Londres ". En 1865, il fonde, avec sa femme, la " Mission Chrétienne de l'Est de Londres ", qui deviendra, en 1878, " l'Armée du Salut ".
Et d'une armée, cette mission en a toutes les apparences : uniformes, grades, discipline, fanfares..., mais seulement les apparences, car son mot d'ordre est "soupe, savon, salut" : donner aux miséreux de quoi se nourrir, puis, quand ils sont rassasiés, de quoi être décents, puis quand ils le sont, de quoi nourrir leur âme.
De cette initiative individuelle, et au début violemment méprisée, est née un des plus importants mouvements actuel tant au niveau de l'action sociale que de l'évangélisation .
Le " général " décéda en 1912, mais l'oeuvre initiée perdure bien au-delà de son fondateur...
 
Mère Marie
"Tout donner ... "
Devenue athée à la mort de son père, Elisabeth PILENKO, russe, cosaque et noble, adhère au mouvement socialiste révolutionnaire en 1917. La prise de pouvoir par les bolcheviks, les massacres qui en découlent la forcent à fuir en Serbie, puis à Paris.
La mort de sa dernière fille, à trois ans, sera pour elle le début d'une redécouverte du Dieu de Vie.
Avec rien ou presque, elle vient en aide aux plus démunis, se débrouillant pour trouver le médicament qui manque, le secours improbable, le geste qui relève...
En 1932, le Métropolite Euloge la reçoit comme moniale " sans monastère ", sous le nom de Marie.
Sans un sou vaillant, elle achète une maison dans le 7° arrondissement de Paris pour en faire un foyer pour femmes abandonnées; puis, deux ans plus tard, elle s'installe dans le 15°, rue de Lourmel pour ouvrir une maison d'accueil à toute détresse; à la fois soupe populaire, hospice, centre social et foyer culturel; où dans un étrange mélange des genres se retrouvent des jeunes filles, des malades mentaux, des expulsés, des chômeurs, des clochards, des alcooliques, mais aussi le choeur de l'Opéra russe, le choeur grégorien de Dom Malherbe...
Elle les accueille tous, comme si " la mort de son enfant l'obligeait à devenir la mère de tous. "
A côté de la chapelle, elle crée un atelier de confection de couvertures pour l'armée, ce qui lui permet de continuer à nourrir tout son monde.
Avec la guerre, vient la persécution des Juifs. Elle en accueille, leur fournit des papiers, les oriente vers la zone libre...
Dénoncée, elle est arrêtée par la Gestapo le 10 Février 1943, et envoyée à Ravensbrück. Là, avec rien, ou presque, elle brode des mouchoirs, des icônes de tissus pour encourager celles à qui elle les donne.
Mais elle n'a pas grand chose à donner...
Aussi, fin Mars 1945, lors d'une " sélection ", elle prend volontairement la place d'une femme qui avait été désignée pour être tuée.
Le 31 Mars, elle meurt gazée; elle avait 53 ans.
 
John BOST
" La Force du  huitième jour... "
Au milieu du 19° siècle, la situation des déshérités, orphelins, et autres mineurs en danger était loin d'être glorieuse.
Certes, il existait des orphelinats, mais avec tant de règlements et de contraintes que nombreux étaient les enfants pour qui n'existaient aucune solution.
Le sort le moins enviable était réservé aux "idiots", nos handicapés mentaux et autres trisomiques.
Le jeune pasteur Bost, en poste à La Force, en Dordogne, avait créé, en 1848, un orphelinat pour jeunes filles... "normales".
Régulièrement sollicité pour accueillir des "idiotes", il ne pouvait que refuser : rien n'était prévu pour cela... c'était impossible !
Qu'à cela ne tienne, il reçut une demande d'admission pour une "idiote", et, avant même qu'il ait pu envoyer sa réponse -négative-, "l'idiote" était livrée de Paris dans son presbytère.
Ce fut le début, légèrement contraint, de l'accueil des " inclassables ".
Son orphelinat accueillit du "tout-venant", le dévouement, la patience, la foi inventant des méthodes, des techniques pour aider ces "pauvres filles" à évoluer tant soit peu.
Des filles;.. mais, les garçons ne valent-ils pas les filles? John Bost décida d'en accueillir chez lui, dans son presbytère, comme il avait fait pour ses "idiotes", avant de pouvoir créer aussi une structure pour les garçons.
Jusqu'en 1881, année de sa mort (il avait 64 ans), John Bost partagea sa vie entre des tournées pour recueillir des fonds, son ministère pastoral et l'accueil de toutes les misères, tous les handicaps, toutes les détresses; enfants, puis adultes.
Il considérait que l'Eglise devait faire sienne cette parole du Christ:
"Vous tous qui êtes fatigués et chargés,
venez à moi !"
Assurément, le pasteur Bost, l'homme Bost avait de la cohérence...
Et son oeuvre, les Asiles John Bost, continuent d'accueillir, d'aider, de soigner.
Au fait, pourquoi " la force du 8° jour " ?
La Force... en Dordogne, et " Le 8° jour "... allez voir le film.
 
Henry GROUES
"Un député hors normes"
Né en 1912, à Lyon, dans une famille aisée, Henry Grouès apprend de son père, à onze ans, que tous ne vivent pas dans l'abondance, que la misère... existe.
A 19 ans, il prend l'habit de moine chez les capucins.
En 1938, il est ordonné prêtre, puis il quitte le couvent pour la vie paroissiale.
1939, 40, 41, la guerre, l'armistice.
1942, il est vicaire à Grenoble; et des juifs pourchassés lui demandent de l'aide. Il découvre la résistance... il s'y investit à fond; passeur, faux papiers....
Lui, l'abbé Grouès, prend comme nom de guerre "Pierre".
Il sera l'abbé Pierre.
1945; la libération, les décorations, la reconstruction.
L'abbé Pierre se présente aux élections et est élu député.
Il s'installera à Neuilly Plaisance, banlieue Est de Paris, à quelques pas de là où, 8 siècles plus tôt prêchait Foulques...
Le curé-député, soutane et décorations, retape cette maison qu'il vient d'acheter; et qui deviendra le point de départ ... d'Emmaüs.
Il accueille un ancien bagnard, suicidaire, puis d'autres sans but, sans le sou, sans avenir, mais tous profondément meurtris.
Il avait choisi la pauvreté en devenant moine, à 19 ans; là, c'est la pauvreté qui le choisit.
Son indemnité de député y passe.
Avec ses "compagnons", il devient bâtisseur pour loger des familles démunies, qui vivent sous tente depuis la fin de la guerre... crise du logement oblige.
1951, il n'est plus député, n'a donc plus d'indemnité.
Avec les compagnons, il se fait "biffin", chiffonnier, récupérateur.
La crise du logement n'évolue pas. Il installe des tentes de l'armée pour mettre au sec des familles qui vivent dehors.
3 Janvier 1954. Un projet de loi sur la création de cités d'urgence est rejeté. La même nuit, un bébé meurt de froid. L'abbé écrit une lettre ouverte au ministre du logement qui vient à l'enterrement de l'enfant.
Le projet de loi est repris.
Mais dans l'immédiat, le problème des sans abris reste entier.
1° février 1954, en direct à la radio, il lance son appel à l'aide.
La mobilisation est massive. Couvertures, tentes, argent... il peut faire face à l'urgence.
Puis les cités d'urgence naissent, avec leurs logements en préfabriqué; au Plessis-Trévise, à Noisy le Grand. Ces cités d'urgence sont du provisoire... qui dura longtemps, très longtemps, mais au moins, des centaines, des milliers de familles purent être logées décemment.
Puis l'abbé continua son action non plus seulement en France, mais partout où il pensa pouvoir être utile.
Un combat sans fin contre la misère; l'exclusion.
 
Les anargyres
"Mieux vaut être riche et bien portant..."
"... que pauvre et malade."
C'est bien connu.
Car de tous temps, pour se faire soigner, il faut de l'argent; ou un médecin fort compréhensif.
On a appelé "anargyres" des médecins qui offraient leurs soins aux plus pauvres, qui soignaient -comme leur nom l'indique en grec- "sans argent".
Les plus célèbres d'entre eux furent probablement Côme et Damien, deux frères médecins qui soignaient avec succès -on a parlé de miracles- des cas réputés incurables, et qui avaient une "prédilection" pour les plus pauvres, pour ceux qui n'avaient pas "d'accès aux soins".
Leur savoir faire, leur dévouement et leur foi ; à une époque ou le christianisme était interdit, leur valut l'accusation de "séduire le peuple et de le détourner des temples païens"... ce qui d'ailleurs n'était pas faux.
Après de nombreuses tortures, ils furent finalement décapités, près d'Alep, en Syrie, vers 286.
Ils ne furent cependant pas les seuls qui, ayant choisi de soigner gratuitement les plus pauvres, en furent remerciés par des tortures puis la mise à mort pour cause de christianisme.
Citons pour mémoire Cyr et Jean, martyrisés vers 311, ou encore Pantaléon, vers 305.
 
Et que dirais-je encore ?
Car le temps me manquerait pour parler de l'Abbé de l'Epée, de Martin de Tours, d’Oberlin, du Père Chevrier, de St jean Chrysostome, de Mère Térésa, du pasteur Nick de Lille, du père Damien de Veuster, de Georges Muller, de St Basile le Grand...
 

Publié dans Cigale sociale

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