Musée de la fenêtre

Publié le par Albocicade

 

Imaginez un "Musée de la Fenêtre".

De longs corridors avec, de part et d'autre, des fenêtres accrochées au mur, posées sur des chevalets…
Des fenêtres en bois, en aluminium, avec des poignées, des crémones, portant des vitres aux nombreuses imperfections ou de superbes "doubles vitrages"…
De quoi admirer le travail réalisé par des artisans du passé, comprendre l'évolution de la fenêtre.
A travers chacune de ces fenêtres, on peut voir… le mur qui est derrière.
Ce serait un peu triste
Parce que finalement, le but ultime d'une fenêtre, c'est qu'on puisse voir à travers, qu'elle laisse passer la lumière…
 
C'est un peu l'effet que me font les icônes dans des musées.
On peut les regarder, apprendre plein de choses en lisant les notices.
Mais au bout du compte, l'icône étant une fenêtre vers l'Invisible, sa place est dans l'Eglise (que ce soit dans "une église" ou dans "une maison") et non dans les collections regroupant le patrimoine d'une nation.
Quoique…
Une anecdote, toutefois.
Un ami prêtre, orthodoxe français, s'étant rendu en Union Soviétique à l'époque brejnévienne, avait visité un de ces musées. Il y avait, entre autres, une galerie dédiée aux "œuvres religieuses" anciennes (comprenez, aux icônes).
Pendant qu'il prenait son temps devant certaines d'entres elles, un groupe de jeunes "komsomols" (les jeunesses communistes, athées militants, reconnaissables à leur foulard rouge) débarqua dans la galerie. Ils avançaient, s'arrêtaient parfois devant telle ou telle "peinture", narquois, avec l'air méprisant de ceux qui ont depuis longtemps rejeté loin d'eux ces "bondieuseries" qui s'opposaient au progrès.
Mon ami prêtre attendit qu'ils poursuivent leur chemin, pour retrouver un peu de calme. Une fille du groupe, pourtant, s'attardait. Elle semblait attendre quelque chose, jetant des regards un peu inquiets vers le "touriste étranger". Ne pouvant se laisser distancer trop longtemps, la jeune fille lança un dernier regard vers mon ami, comme un défi, et se plaçant face à une icône fit avec grande conviction un grand signe de croix.
Cette "chrétienne de l'ombre" ne pouvait (sous peine d'exclusion des komsomols avec les conséquences que cela impliquait sur son dossier scolaire et ses possibilités d'études ultérieures) se rendre dans un église. Le seul endroit où elle pouvait trouver des "fenêtre vers le ciel" (des icônes), c'était justement les musées…
 
Par ailleurs, il faut bien reconnaître que - comme je l'ai déjà dit - je ne vais pas souvent dans des musées…
 
 

Publié dans Cigale en prière, icones

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T
Y a un truc qui ne colle pas dans votre histoire de "musée de la fenêtre", c'est lorsque vous le décrivez comme montrant surtout les murs derrière des fenêtres vides. Ca me renvoie à la théorie d'Alberti selon qui le tableau était une fenêtre depuis laquelle il tracait sa fameuse perspective géométrique... l'équivalent pourrait être un musée de cadres sans tableaux à l'intérieur, mais des icônes dans un musée ne sont pas vidées de leur contenu ! Et puis vous le prouvez vous-même avec votre anecdote de jeune "pionnière". Ce que vous décrivez, c'est peut-être votre malaise de croyant qui voit un objet sacré réduit à sa dimension esthétique, retiré de l'atmosphère de recueillement pour être mis sous les néons d'un musée, mais en aucun cas cela n'anéantit la grâce qui émane de ces saintes images, ni ne les vide de leur contenu... Enfin, c'est ce que j'ai ressenti durant la seule exposition d'icônes à laquelle je sois allé... aux Palais des Papes à Avignon... mais je vous ai déjà raconté ça ;-)... bref, j'ai bon espoir d'aller à Moscou en mai prochain, je vous dirai un peu ce qu'il en est de la galerie Tret'jakov.
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A
Bien sûr, cher Tertius, c'est le paradoxe : en voulant les réduire à leur dimension d'objets esthétiques, de peintures "à thème religieux", les brillants cerveaux du "matérialisme scientifique" pensaient anihiler le "sens" des icônes ; ils ont cependant simplement "ouvert" ces fenêtres dans des musées.Ce n'est pas le seul cas d'ailleurs : je pense au "Musée de l'Athéisme", qui avait été créé à l'emplacement du monastère des Grottes de Kiev. Les "visiteurs" se rendaient par cars entiers recevoir là une "bonne leçon de matérialisme athée"... Mais nombre de ces "visiteurs" étaient en fait des "pélerins", venu ressourcer leur foi devant les dépouilles incorrompues de saints moine, de fidèles témoins du Christ, et tous les discours méthodiquement infligés par les  guides inféodés au Parti n'y changeaient rien.C'est pour cela que, en illustration de ce billet, j'ai choisi ce tableau de Magritte : il me semble assez bien illustrer ce paradoxe