J - 8

Publié le par Albocicade

 
 
L'avant dernier dimanche avant le début du Grand Carême est, dans l'Eglise orthodoxe, consacré au "Jugement Dernier"
A cette occasion, je vous propose un texte qui, né en Orient, a connu un singulier destin en Occident.
Ce poème, œuvre d'un chrétien anonyme, est tissé de citations et d'allusions à des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Attribué plus tard à la Sibylle Erythrée (ce qui a valu à cette dernière de trouver place dans le Dies Irae de la liturgie latine, à côté du roi David), il est réputé avoir été cité par l'empereur Constantin, avant d'entrer dans la "Cité de Dieu" (XVIII, 23) de St Augustin, et de là passer à tout l'occident chrétien.
 
Cependant, ce n'est pas en cela qu'il est étonnant, mais dans son acrostiche : en prenant la première lettre de chaque vers, on obtient "ΙΗΣΟΥΣ ΧΡΕΙΣΤΟΣ ΘΕΟΥ ΥΙΟΣ ΣΩΤΕΡ ΣΤΑΥΡΟΣ" ce qui signifie "Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur, Croix"
 
En 1570, Gentian Hervet traduisant la "Cité de Dieu" ne se contenta de rendre en français le texte latin d'Augustin, il a recréé un acrostiche sur le modèle grec (quoique légèrement différent).
C'est cette traduction que je présente dans une orthographe "modernisée" (enfin, dans la mesure du possible…)
 
Il y aura tel signe au dernier jugement
En terre grande humeur : et du haut firmament
Suivant le dit de Dieu lors on verra descendre
Un Roi pour jugement à tout le monde rendre
Sans aucun excepter: c'est le Roi éternel,
Chacun le pourra voir, fidèle et infidèle
Hautement élevé, accompagné des Anges,
Ressuscitant les corps qui sont tournés en fanges.
Il rendra à chacun selon qu'il aura fait,
Sans nulle acception de juste ou imparfait.
Tout le monde sera sans labeurs et verdures
Fruit ne croîtra en terre, ni des épines dures.
Images les humains et richesses laisseront :
L'air et toutes les eaux, terre et ciel brûleront.
Zèle de Dieu aux bons, les fera de main forte
Des noirs lieux infernaux rompra serrures et porte
Et aux Saints donnera la lumière éternelle.
Des malins punira toute offense mortelle,
Iugeant qu'au feu d'enfer soient éternellement
Et leurs âmes et corps sans nul allègement.
Un chacun connaîtra devant Dieu son offense
Seul est Dieu qui sait tout ce qu'on fait, dit, ou pense .
Alors il y aura un grincement de dents,
Un deuil perpétuel en regret et tourments
Un hideux changement sera de toutes choses
Etoiles on verra en ténèbres encloses :
Voire même au Soleil la clarté défaudra
Rien ne luira au ciel, la Lune s'éteindra.
Condescendre aux bas lieux Dieu fera les montagnes
Rendant la terre unie en plaines et campagnes.
Un chaos se fera des champs et de la mer.
Courir nul ne pourra, ni sur l'onde ramer.
Il se fera par foudre en terre mainte fente.
Fontaines ni ruisseaux n'auront cours ni descente.
Incontinent après d'une trompe on oyra (entendra)
En ces bas lieux le son, qui horrible sera
Pour les pauvres pécheurs, lesquels tout pour leur vice
On verra resentir du haut Dieu la justice.
Un gouffre dans la terre obscur se montrera.
Roi, Prince et tout Seigneur devant Dieu paraîtra
N'osant lever les yeux devant sa claire face
Or du ciel descendra un feu qui tout efface,
Un fleuve empuanti plein de souffre et ordure.
Suivant de chacun vers la première peinture, (lettre)
Tu verras en écrit : JESUS CHRIST
FILS DE DIEU, SAUVEUR CRUCIFIÉ
POUR NOUS,
en ce bas lieu.
 
(On aura noté qu'à cette époque, les lettres U et le V, de même que I et J ne sont pas clairement différenciées… ce qui se remarque justement dans l'acrostiche…)
 
Pour les curieux, on trouvera ici le texte grec de ce poème, avec l'acrostiche
et ici la traduction française avec son orthographe originale (agrémentée de quelques fautes).
 
Notons aussi que les initiales des mots "ΙΗΣΟΥΣ ΧΡΕΙΣΤΟΣ ΘΕΟΥ ΥΙΟΣ ΣΩΤΕΡ" forment "ΙΧΘΥΣ", "poisson". De sorte que ce mot "ΙΧΘΥΣ" (Ichtus) a servi comme acrostiche pour désigner le Christ…

Publié dans Cigale patristique

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S
Super acrostiche.
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