A la yonnaise
C'est la Mère, elle y avait décidé de rassembler un peu la famille.
Sur la montagne. Pas la colline qu'y travaillent ou celle-la là qu'y prient.
Non, chez son gone, çui-là là qu'est paysan.
Alors, ses cousins, ses frères et sœur, et aussi ses gones, on y est allé.
"Entrez que, benaisez-vous donc !" i dit quand on arrive.
C'est que ça lui en fait du monde à manger. Mais c'est pas un brandouille, lui.
Y nous a fait un mâchon ! A se lécher les cinq doigts et le pouce. Tout y venait de son champs : la viande, c'est ses bardelles et ses cayons, et puis des truffes grosses comme mes deux poings, de zognes pareil, et aussi les porreaux. C'est pour dire !
Et pour finir, de quoi se rincer l'avaloir – pas pour s'ivrogner – un petit verre de blanche, ou plutôt non, c'était de la poire qu'un cousin avait porté.
Faut dire, on avait pas pignoché.
Lui, il avait tout préparé à l'évier : pas le temps de s'acagnarder.
Si j'y ai raconté comme ça, c'est à cause de la tatan : elle s'était mise des drouilles comme si que Gnafron aurait été une fenotte, ou plutôt une lichoire, pour dire. Et elle s'est mise à japiller comme si que tous là, ils savaient encore parler comme les Yonnais, alors que même certains, i z'y ont jamais eu de cabriotte.
Bon, alors, pour ceusses qui savent pas déparler comme à Lyon, je traduis
C'est Dame ma Mère qui avait décidé de rassembler un peu la famille.
Sur la montagne. Pas à la Croix-Rousse ou à Fourvière.
Non, chez son fils agriculteur.
Alors, ses cousins, ses frères et sœur, et aussi ses enfants, on y est allé.
"Entrez donc, mettez-vous à l'aise !" nous dit-il quand nous arrivons.
C'est que ça va faire pas mal de monde à table. Mais c'est un bon cuisinier : il nous a préparé un de ces repas ! un vrai régal. Tout des produits de la ferme : la viande, ça vient de ses vaches et ses cochons, et des pommes de terre énormes, des oignons pareils et aussi les poireaux (et tout ça "bio"). C'est pour dire !
Et pour finir, de quoi se rincer le gosier – pas pour se saouler – un petit verre d'eau de vie de marc ou plutôt non, c'était de la poire qu'un cousin avait amenée.
Faut dire, on avait bien mangé.
Lui, il avait tout préparé à la cuisine : pas le temps de fainéanter.
Si j'ai raconté cela comme ça, c'est à cause d'une tante : elle s'était mise des vêtements dépareillés, un peu comme Gnafron (un personnage du théâtre de Guignol, celui de gauche, sur la photo) mais en fille, ou plutôt en fille qui va les bars. Et elle s'est mise à causer comme si tous les présents savaient encore parler comme les Lyonnais, alors que certains n'y ont jamais vécu.
Et pour les curieux (mais là, non plus que dans mon billet, vous n'aurez l'accent… c'est dommage) une page sur Lexilogos qui recense quelques dictionnaires Lyonnais-Français et vice-versa.
Nota : il y a bien longtemps que je n'ai plus passé de temps entre Rhône et Saône. Pourtant, au fur et à mesure que je rédigeais ce billet, dictionnaire à l'appui, me remontait en mémoire des mots, des expressions de quand j'étais gone. Pire, j'y ai trouvé des mots dont j'étais persuadés qu'ils étaient "globalement français".
Et en outre, la ferme en question est indiquée par la flèche rouge.