Voyage en Chine : 18.
/image%2F0734278%2F20250907%2Fob_791c5f_18-hotel.jpg)
Jour 9, après-midi. Pingyao est une "petite" ville du Shanxi (山西), province à ne pas confondre avec le Shaanxi (陕西) dont Xi'an est la capitale. C'est une cité fort touristique dont l'architecture ancienne a été préservée à l'intérieur des remparts de terre recouverts de briques et toujours debout après 2800 ans.
Notre hôtel, proche des remparts, est une plongée dans le passé : par une grande porte cochère à deux battants on accède à une cour carrée surélevée par rapport à la rue. De là, on monte par un escalier bien raide vers la coursive couverte dominant la cour intérieure et qui donne accès aux chambres carrées, dans l'ancien style. L'intérieur, dépouillé comme il se doit dans un lieu respectant les règles du FengShui, comporte deux amples fauteuils en bois sculpté, une petite table basse, et un lit carré traditionnel en briques ; le couchage se composant d'une natte, traditionnelle elle aussi, affleurant le bord du lit. Seule entorse à l'ancien style : un climatiseur, bienvenu dans cette région. Car, pour tout dire, la chaleur torride de Xi'an nous a bien séchés, et Dame mon épouse voit avec inquiétude ses pieds enfler. Toutefois, après un repas fort sympathique (ils ont des nouilles à la farine d'avoine, roulées à la main comme des cannellonis, tout à fait étonnantes) nous laissons Alexis plancher sur son article et allons visiter Pingyao comme des gens autonomes (bon, nous sommes à l'intérieur des remparts, il n'y a donc pas grand risque de se perdre). Allons-nous errer au hasard, à arpenter ces ruelles dont chaque recoin est un vestige d'un temps révolu ? Je tente le tout pour le tout, et arrête un touktouk spécial qui, moyennant 150 yuans accepte de nous faire la visite touristique de la partie non piétonne de la ville. Mieux ! Ne voulant pas nous laisser dans une ignorance totale de ce que nous voyons, il emploie les grands moyens et, par le truchement d'une traduction automatique, il nous fait la visite commentée : dictant son commentaire à son téléphone qui le traduit en anglais, il me tend ledit téléphone pour que je puisse lire, puis le reprend pour le commentaire suivant. Bel effort d'adaptation… même si un certain nombre de détails me resteront obscurs jusqu'à ce que je fasse des recherches sur internet[1] ! Ensuite nous entrons dans la partie piétonne, mais les pieds de ma Dame renâclent avec vigueur. Dans une première boutique, elle peut acheter des sortes d'espadrilles deux tailles trop grandes : ça va déjà un peu moins mal. Un peu plus loin, il y a une de ces échoppes où l'on peut plonger ses pieds dans des petits aquariums garnis de petits poissons qui viennent vous boulotter les orteils : comme cela peut soulager un peu, on tente le coup. Ça chatouille terrible, mais la fraîcheur de l'eau est un peu bénéfique, quoique à vrai dire, on est loin du compte. C'est alors que, encore un peu plus loin, nous nous faisons héler par une tenancière d'un salon de massage... des pieds. Je paie les 30 yuans demandés (environ 5 euros) et laisse mon épouse se faire tripoter la voûte plantaire. Lorsque je repasse un peu plus tard, la patronne m'informe qu'en plus des pieds il a fallu s'occuper aussi des jambes, pour un surcoût de 28 yuans. La chose me paraît de bon aloi. Lorsqu'enfin la Dame ressort, certes elle a trouvé le massage sévère, mais on voit qu'elle marche mieux : c'était une belle opportunité !
La spécialité de Pingyao est un vinaigre réputé que l'on retrouve partout dans la cuisine : cela va de la viande marinée dans du vinaigre jusqu'au coca vinaigré !
Après la visite de la ville et un fort bon repas pris, comme il se doit, dans une petite échoppe, nous revenons à notre chambre pour une bonne nuit réparatrice, notre dernière sur le sol chinois. Las ! Si les Chinois ont inventé le FengShui, ils n'ont pas inventé le matelas et la natte sur le lit ne saurait en donner bien longtemps l'illusion ! Peu importe, après tout : cette nuit médiocre est amplement compensée par l'expérience unique de "dormir" dans les conditions de la Chine traditionnelle. Encore une fois Alexis a fait un bon choix puisque en quatre lieux (Pekin, Luoyang, Xi'an et Pingyao) nous avons pu voir un peu de la diversité de cet immense pays.
Nous repartons donc au matin, laissant derrière nous cette étrange demeure hôtelière, vestige d'une période antérieure au "Grand Bond en avant" et où trône, discrètement mis en valeur dans une sorte de réduit à porte vitrée (qui n'est pas sans évoquer les petits autels aux ancêtres qui se trouvent de part et d'autre du passage couvert qui mène à la cour) le portrait de Mao Zedong.
Médications
Parmi les différences profondes entre Chine et France, il y a le soin. Certes, on trouve des pharmacies qui ressemblent aux nôtres, mais les questions qui viennent immédiatement sont liées à des notions de "chaud" ou de "froid" : les maladies ou troubles "chauds" seront traités avec des médications "froides", et inversement, le tout sur un fond taoiste intégré en médecine traditionnelle chinoise dont le Yin et le Yang sont la pierre angulaire, le Yin étant associé au principe froid, sombre, passif, humide et interne ; le Yang étant associé au principe chaud, lumineux, actif, sec et externe ; l'objectif étant de parvenir à rétablir un équilibre harmonieux entre ces deux principes. A dire vrai, voir des personnes dans la rue porter des patchs bien visibles, grands comme des mouchoirs en papier sur le front ou le nez a de quoi surprendre au premier abord. C'est pourtant tout à fait socialement accepté. Tout au plus, cela signifie que la personne prend soin d'elle.
Plus étonnante fut une rencontre qui me laissa perplexe. Alors que j'étais à la recherche de "l'église avec une croix et un bulbe" indiquée sur ma malheureuse carte de Xi'an, je tombais sur un groupe d'hommes sur un trottoir autours de deux autres assis autour d'un plateau couvert de palets d'environ 5 cm de diamètre : des joueurs de carrom. Ignorant jusqu'à l'existence de ce jeu, mon attention fut attirée, parmi les spectateurs, par un gros balèze torse nu, ou plutôt par les innombrables marques de coups sphérique dont son torse autant que son dos étaient marqués. S'était-il fait passer à tabac à coup de boules de billard ? Je ne me hasardais pas à poser la question – et d'ailleurs, comment l'aurais-je fait – supputant que le gros balèze en question devait être un habitué des violences… Ayant évoqué l'anecdote le soir, avec Alexis, il me détrompa : il s'agissait beaucoup plus probablement de marques de ventouses (拔罐, báguàn) pratique qui a peu à peu disparue chez nous mais est toujours très largement en usage en Chine, l'idée étant de débloquer la circulation du Qi (énergie vitale) et du sang (la succion est censée briser les stagnations et permettre à l'énergie et au sang de circuler librement) et d'éliminer le "vent" (风, fēng) et "l'humidité" (湿, shī), ces deux facteurs étant considérés comme les causes majeures de douleur et de maladie dans la Médecine Traditionnelle Chinoise. Comme quoi on peut avoir vite fait de "déduire" n'importe quoi, faute d'information appropriée…
[1] Par exemple, je n'ai jamais pu me faire expliquer pourquoi il me parlait de "ville tortue" à propos de Pingyao. Recherches faites, vue du ciel (ou plutôt sur plan) la ville enserrée dans ses remparts a plus ou moins cette forme.
Publicité