Adam et les anges
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Dans un récent document, que vous avez sans doute tous lu avec attention, je rapportais une tradition – on pourrait dire un théologoumène – selon laquelle dès la création d'Adam les anges furent invités à se prosterner devant lui, en signe de reconnaissance du fait qu'il était fait à l'image de Dieu. Cette tradition précise qu'un des principaux anges – être de feu – se refusant à se prosterner devant cette chose inférieure qu'est un être fait de terre, il se révolta contre l'ordre divin et se retrouva chassé du Ciel.
Je précisais encore que cette tradition, qui connut une grande postérité y compris au sein des églises, fut aussi expressément rejetée par de sérieux auteurs, sans que cela porte de coup à la foi : c'était juste une opinion (certes parfois fort répandue) qui se trouvait repoussée.
Dans cette tradition, de fait, Adam était considéré comme ayant une forme de prééminence sur les anges.
Aujourd'hui c'est un autre texte, prenant précisément la question de la dignité de l'homme face aux anges d'un tout autre point de vue, que je veux vous partager.
Il se trouve dans le début de l'Histoire Universelle[1] de Mahbūb ibn Qūṣṭānṭīn[2], auteur arabe du X° siècle, évêque melkite (donc, comme Théodore Abu Qurrah) de la ville de Manbij[3] en Syrie.
Laissons-lui donc la parole :
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Au sixième jour Dieu créa de la terre tous les animaux et les bêtes féroces, tous les reptiles qui rampent sur sa surface, et d'autres dont le corps et le souffle de la vie provenaient de la terre. En ce jour Dieu créa l'homme, c'est-à-dire Adam, à l'image de Dieu. Il le créa et le fit la plus parfaite des créatures et le perfectionna, ayant mis en lui la supériorité particulière de l'intelligence, de la parole et de l'âme, douée de raison, intelligente et parlante, où était la ressemblance de Dieu. Le corps d'Adam et son esprit provinrent de la terre et des quatre éléments, les formes primitives, créées avant tout comme séparées, indépendantes et libres; l'âme d'Adam, intelligente, exprimant la pensée, parlante, pareille à Dieu, immortelle, fut de Dieu; sa flamme et tout ce qu'il y a de bon en elle, (fut aussi de Lui).
Et l'homme, c'est-à-dire Adam, étant devenu un être spirituel et corporel, de la meilleure structure, Dieu le plaça et le mit, lui et sa femme, qu'il avait créée d'une de ses côtes, dans le jardin d'Eden. Au septième jour Dieu acheva toutes ses œuvres, qu'il avait créées, et il appela (ce jour) le jour de Sabbat, parce que Sabbat signifie repos. Certains savants croient que Dieu, qu'il soit béni et exalté, aurait planté le jardin d'Eden et l'aurait placé au-dessus de la terre, à la distance de quinze coudées du sol, sans soutien. Dieu y mit Adam et d'un côté l'établit roi sur les animaux et les bêtes, qui étaient au-dessous de lui, et de l'autre côté il le soumit à la sagesse et à la science des Anges immatériels, jouissant de la faveur spéciale de Dieu, qui étaient au-dessus de lui. Dieu planta au milieu du paradis l'arbre de la science du bien et du mal, qu'il interdit à Adam, lui prescrivit rigoureusement de ne pas s'en approcher et il lui donna l'ordre de ne pas manger de son fruit, pour éprouver ainsi son obéissance ; et si Adam avait persévéré dans l'obéissance, il aurait été digne d'être placé dans l'ordre des anges et d'être avec eux ; s'il tombait dans la désobéissance et l'erreur, il serait rejeté du paradis en bas, en serait chassé et se trouverait avec les bêtes. Lorsqu’Adam eut désobéi à son Seigneur et son Créateur et eut violé son ordre, il ne put plus habiter le paradis saint et spirituel après l'erreur et la violation du commandement ; c'était inadmissible pour le paradis saint et spirituel. Dieu le fit sortir du paradis, le fit habiter en face de lui dans les montagnes et ne le chassa pas loin grâce à sa clémence pour lui. C'est pourquoi David, le prophète, dit dans le Livre des Psaumes au sujet d'Adam: "L'homme, qui n'a pas compris son honneur et la faveur de Dieu qui lui est accordée, a été livré aux bêtes, chassé vers elles et leur est devenu semblable" (Psaume 48 (49). 21).
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Comme on lit dans le livre des Psaumes (8.4-5), du moins dans la Septante et les versions qui en dépendent :
τί ἐστιν ἄνθρωπος, ὅτι μιμνῄσκῃ αὐτοῦ, ἢ υἱὸς ἀνθρώπου, ὅτι ἐπισκέπτῃ αὐτόν ; ἠλάττωσας αὐτὸν βραχύ τι παρ ἀγγέλους, δόξῃ καὶ τιμῇ ἐστεφάνωσας αὐτόν·
Qu'est donc l'homme, pour que tu te souviennes de lui ? ou le fils de l'homme, pour que tu le visites ? Tu l'as fait un peu moindre que les anges ; tu l'as couronné d'honneur et de gloire,
Et les petites notes
[1] Le Kitab al-'Unwan (le Livre du Titre), traduit par Alexandre Vassiliev (éd.), Kitab al-'Unvan (Histoire universelle), Patrologia Orientalis, n°5 (1910), 7 (1911), 8 (1912), 11 (1915). Le premier fascicule a été numérisé sur le site de Remacle https://remacle.org/bloodwolf/arabe/agapius/histoire.htm
[2] Connu aussi sous son nom grec : Agapios de Manbij
[3] Ville appelée Hiérapolis en grec, ou Mabboug en syriaque.