Voir du bout des doigts

Publié le par Albocicade

Il n'est pas facile de percevoir ce que c'est que de vivre sans voir. On peut, certes, tenter l'expérience en se bandant les yeux pour vivre ainsi une heure ou deux, dans un lieu choisi, à un moment déterminé. Expérience de laboratoire, dont on sait qu'elle peut être interrompue à tout moment, et qu'elle ne comportera que des "événements" choisis, accessibles.
Mais vivre ainsi en permanence, en devant faire face aux mêmes impondérables que tout le monde, devoir se débrouiller en tout sans voir – ou en voyant si peu[1] !
Pourtant, nous en côtoyons – sans nécessairement nous en rendre compte – des "handicapés visuels", sans non plus comprendre "leur" univers, le même que le nôtre et pourtant si différent.
Ce petit préambule pour parler du livre d'un ami – malvoyant depuis l'enfance – qui nous emmène "jeter un coup d'œil" dans ce monde où le simple contact visuel est impossible, nous y fait pénétrer comme par une porte dérobée.
Durant 38 années, il a travaillé à la "Mission Evangélique Braille" (MEB) et, désireux que la mémoire des origines de cette œuvre ne se perde pas, il a décidé d'en écrire l'histoire.
 
Ceux qui connaissent la MEB y retrouveront des noms connus, des anecdotes oubliées ; mais les autres ne seront pas perdus pour autant :  car c'est tout un monde, un univers que l'on découvre dans ce livre.
 
C'est tout ensemble l'histoire d'une "mission protestante" en direction des aveugles, mais aussi l'histoire de "comment" les aveugles et malvoyants accèdent à l'information, à la formation. C'est encore l'histoire de comment les "missions" qui au début ne voient généralement que des "âmes en péril auxquelles il faut apporter le message de l''Evangile" prennent peu à peu conscience qu'il s'agit aussi d'hommes, de femmes en péril tout court. C'est aussi l'histoire de l'évolution des pratiques de communication – depuis les textes copiés en braille à la main, point par point, jusqu'aux synthèses vocales informatisées. C'est encore l'histoire de la manière dont une mission initialement centrée sur la francophonie européenne fait évoluer ses pratiques pour être en aide aux besoins en Afrique.
 
L'aventure commence en 1925, lorsqu'une jeune fille de 20 ans – Edith – perd brutalement et quasi complètement la vue. Rude et révoltante épreuve, d'autant que le peu de vue qui lui restait fut perdu avant 1930, lors d'opérations chirurgicales pour tenter de remédier au problème…
C'est dans cet état d'esprit qu'elle rencontre des chrétiens enthousiastes, à la foi certes minimaliste mais qui est de celles qui déplacent des montagnes. Bouleversée, retournée, elle veut partager la joie de cette foi toute neuve, et en particulier avec les aveugles, recopiant à la main en braille, point par point à la "tablette", des articles d'édification. Le langage religieux y est très stéréotypé, chargé de réminiscences et de citations bibliques, caractéristique du protestantisme évangélique.
Mais peu à peu, tout en restant foncièrement ancrée dans la foi, la MEB s'ouvre aux autres chrétiens, et peu à peu sort de l'Europe et l'oeuvre se poursuit encore à ce jour.
 
Voila : je ne voulais pas terminer l'année sans parler du livre d'Alain DECOPPET et vous le recommander chaudement :
 
La lumière brille dans les ténèbres :
Mes mémoires de la Mission Evangélique Braille,
des origines à 2020
aux éditions Unixtus.
A commander soit directement chez l'éditeur[2], soit par votre libraire, en lui fournissant les références.
 
 
 

[1] Je parle principalement des aveugles, mais les malvoyants aussi sont fortement impactés au quotidien !
[2] Au cas où le lien ne fonctionnerait pas, je le donne aussi en clair : https://www.unixtus.ch/librairie/la-lumi%C3%A8re-brille-dans-les-t%C3%A9n%C3%A8bres/
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