Paysan, jamais content ?
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Voici que ces jours-ci la grogne agricole se fait entendre. Par chez moi, les routes secondaires sont encombrées de camions et voitures déroutées, remontant vers le nord : l'autoroute est bloquée par des tracteurs.
Sans doute, on pourrait trouver que ces culs-terreux abusent.
Pourtant ayant choisi, il y a des années, de ne pas faire partie de la confrérie paysanne (il était question que je m'installe en GAEC pour faire du fromage de chèvre, chose que je savais fort bien faire à l'époque, mais j'ai finalement renoncé... ce que je ne regrette pas), je sais de quoi il retourne.
Et même si l'historiette ci-dessous force un peu le trait (et encore, pas tant que ça... un de mes amis, qui n'a pourtant rien d'un "simplet", cadre assez bien avec la blague) j'espère qu'elle vous donnera un peu de patience, si vous êtes bloqué par un convoi de tracteurs chargés de fumier et de paysans contrariés.
*
* *
Un jour, un inspecteur du travail décida d'aller faire un contrôle inopiné sur une exploitation agricole : après tout, même sur les exploitations de vaches laitières le code du travail doit s'appliquer.
Le paysan le reçut de son mieux, et l'emmena dans son bureau.
- Donc, qui travaille pour vous ?
- Ben, d'abord, il y a Kevin, qui fait la traite matin et soir, du lundi au vendredi, plus quelques bricoles après la traite du matin. Il est payé au Smic, pour 35 h semaines.
- Bien, et quand il n'est pas là ?
- Le week-end, c'est généralement mon épouse qui trait, parfois aussi mon vieux père... de même durant les congés de Kévin.
- Soit, et ensuite ?
- Il y a Raymond, qui travaille à temps partiel, surtout au moment des travaux des champs. Cela fait maintenant une quinzaine d'années que nous fonctionnons comme cela, et ça lui convient. Là, vous avez les déclarations d'embauches et les fiches de paie...
- D'accord, et c'est tout ?
- Ben, il y a encore mon fils. Quand j'ai besoin et qu'il est disponible, je l'embauche pour quelques jours, ça me dépanne bien...
- Et avec ça, vous arrivez à faire tourner votre ferme ? J'ai du mal à vous croire...
- Non, c'est vrai, et je vois que vous êtes fin connaisseur du monde agricole. En fait, il y a encore quelqu'un, mais j'hésite à en parler... c'est un peu gênant.
- Hé bien, je vous écoute. De toutes façons, je finirais par savoir, vous ne croyez pas ?
- Si, sans doute... Voila, en plus de ceux dont je vous ai parlé, il y a le Simplet.
- Et ?
- Ben, lui, il travaille ici tous les jours que le Bon Dieu fait, entre dix et quatorze heures par jour, parfois plus.
- Sept jours sur sept ? Voila qui n'est guère légal... Et vous avez les moyens de le payer correctement, au moins ?
- Oh, c'est celui qui me coûte le moins cher : je lui donne entre 200 et 300 euros par mois, par contre il mange à ma table, est logé sur place et même, parfois, couche avec mon épouse...
- Alors, voila qui est fort ! Vous allez avoir de sacrés problèmes ! En attendant, où est-ce que je pourrais le voir, ce "Simplet" ?
- Mais, vous l'avez en face de vous, Monsieur l'inspecteur... c'est simplement moi...