Avec un grand H
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Il y a peu, suite à un billet sur les mésaventures nautiques du bon Noé dans lequel je rappelais la manière dont les Babyloniens et autres Sumériens concevaient la création des humains, un lecteur attentif se chagrinait quelque peu dans un commentaire que, pour désigner la créature "bipède et dépourvue de plumes"1 j'ai employé le terme "humains" et non le terme "hommes", arguant que ce terme hommes "n'est ni phallocrate ni vieux jeu puisque c'est français, tout simplement".
Je répondis, brièvement, que "humains" aussi est français, sans aller plus loin.
Pourtant, il y a bien une raison pour laquelle je préfère "humains" à "hommes", et ce n'est pas celle que mon interlocuteur semble supposer.
En effet, si le terme homme a, selon les lexicographes, principalement un sens générique servant à désigner tout être humain de l'un ou l'autre sexe, dans le langage courant ce mot sert à désigner l'être humain adulte de sexe masculin.
De fait, combien de fois ai-je entendu, par exemple à propos des "Droits de l'homme" : "homme, bien sûr, au sens d'être humain", ou encore "homme avec un H majuscule". On comprend bien que ce genre de précisions nécessaires est l'indice d'une ambigüité du terme "homme".
Poussons un peu le raisonnement : qui irait dire, en voyant une charmante petite fille "Quel bel homme !" ? Ce serait pourtant parfaitement juste selon les lexicographes.
Voila donc pourquoi je choisi délibérément le terme le moins ambigu.
Mais alors, mon choix du terme "humains" n'aurait pas pour objectif de me plier aux injonctions associées à l'écriture inclusive ?
Hé bien, non.
Je sais, certes, que le français – comme toute langue – est en évolution continue et que son état actuel n'a rien de définitif. Pour autant, je frémis parfois quand je vois certaines revendications de émanant de mouvements que l'on qualifie globalement de "wokisme" et qui manifestent une vue un peu courte sur les langues.
De fait, même si je déplore que – à la différence de nombreuses autres langues – le français ne connaisse pas de véritable neutre, je ne peux entendre sans agacement les glapissements sur la domination du masculin en grammaire, puisque ce "masculin dominant" est en fait un masculin à valeur de neutre.
Tant pis, c'est comme ça.
Faut-il féminiser les noms de métier ? Pourquoi pas. Mais alors, faut-il aussi en masculiniser certains autres ? Après tout, une sentinelle, une vigie ou une ordonnance, ne sont-ce pas là trois mots féminins qui toujours désignèrent de rudes soldats et marins, hommes frustres et souvent mal rasés ? Parfois moche, même. Mais pas des laiderons, ça non. Un laideron, c'est une jeune fille ou jeune femme laide.
Est-ce alors que je renvoie chacun dos à dos ?
Même pas : la langue a bel et bien été un moyen de domination des hommes sur les femmes (rappelez-vous, j'en avais parlé là), et il y a donc besoin que certaines choses évoluent...
L'indispensable note :
1Il n'employait pas cette définition bien connue que j'emprunte à Platon, définition à laquelle Diogène de Sinope répliqua en jetant un poulet plumé devant l'assemblée de Platon en clamant : "Voici l'homme, selon Platon !" (Anecdote rapportée par Diogène Laërce "Vie et doctrine des philosophes de l'Antiquité" VI, 2).
NB : l'image du haut provient de la Plaque de Pioneer embarquée à bord des deux sondes spatiales Pioneer 10 et Pioneer 11 lancées en 1972 et 1973, et destinée à faire connaître à d'éventuels autostoppeurs extraterrestres à quoi ressemblent les humains.