Retardé
Il y a quelque temps, je tombais par hasard sur le centon homérique cité par St Irénée de Lyon1 :
Ayant ainsi parlé, il congédiait, malgré ses lourds sanglots,
le noble Héraclès, auteur d'exploits fameux :
Eurysthée, fils de Sthénélos le Perséide ,
le chargeait de ramener de l'Érèbe le chien du cruel Hadès .
Il partit, tel un lion nourri dans les montagnes et confiant dans sa force,
prestement, à travers la ville. Ses amis, tous ensemble, le suivaient,
ainsi que les jeunes filles, les jeunes gens et les vieillards infortunés ,
poussant de plaintives lamentations, comme s'il marchait à la mort .
Hermès l'accompagnait, ainsi qu'Athéna aux yeux pers,
car ils savaient dans leur coeur quelle peine éprouvait leur frère.
Vous connaissez le principe du centon : tous les vers sont d'Homère, et pourtant il n'a jamais écrit cela ! En clair, le centon est une sorte de patchwork, où l'on fait dire à un auteur – et avec ses propres phrases – ce qu'il n'a jamais dit2.
Si le digne évêque de Lyon cite ces quelques lignes, c'est pour bien montrer ce que – avec un peu d'habileté – on peut faire d'un texte. Et c'est là ce que vise sa démonstration : dénoncer ceux qui, mettant bout à bout des passages bibliques sans liens entre eux, font dire n'importe quoi à l'Ecriture sainte. Car ils pullulent à son époque, ceux qui élaborent des systèmes fantaisistes à grand coup de démonstrations "logiques" et de versets bibliques cités en dépit du bon sens.
Le résultat pourra paraître cohérent, il n'en sera pas moins sans lien avec ce dont il prétend recevoir son autorité.
Bref, faisant quelque recherches autours du centon, je tombais sur un texte fort méconnu (un poème latin retraçant la vie du Christ avec des vers tirés de Virgile) que je me mis en tête de vous faire découvrir.
J'obtins sans difficulté l'autorisation de vous partager la seule traduction moderne actuellement existante3 et me mis en devoir de remanier un peu la mise en page et de préparer une petite introduction à ma façon.
Las ! Voila plusieurs semaines que je lambine là-dessus : je pensais m'en tirer en vitesse, et il m'a fallu me replonger entre le le II° et le V° siècle, arpenter des bibliothèques aux rayonnages chargés de rotulus, de volumen et de codex, renouer avec certains de mes vieux amis (Nonnos de Panopolis et Synésius de Cyrène dont je vous avais parlé il y quelques années) en découvrir d'autres (dont ce bon Juvencus qui semble n'avoir jamais été traduit en français...)
Bref, voila des semaines que je ne vous ai rien partagé.
Tel le lapin dans Alice, je ne peux que me hâter lamentablement en marmonnant "Je suis en retard, je suis en retard, je n'ai pas le temps de dire bonjour ou au-revoir, je suis en retard..."
Bon, j'espère quand même pouvoir vous donner cela avant la Noël ; d'autant que j'ai un autre projet en cours, un vrai gros celui-là, auquel je vais devoir me ratteler début Septembre...
Et, bien sûr, les notes
1Irénée : Adv Haer. I, 9, 4. Voir dans les Sources chrétiennes : SC 264.
2Par exemple, les vers du centon cités par Irénée proviennent, dans cet ordre, de : Odysée 10, 76 ; Odyssée 21,26 ; Iliade 19, 123 ; Iliade 8, 368 ; Odyssée 6, 130 ; Iliade 24, 327 ; Odyssée 11,38 ; Iliade 24,328 ; Odyssée 11, 626 ; Iliade 2, 409.
3Il en existe deux autres, mais du XVI° siècle, et une quatrième est en cours de préparation...