Dame Proba et son poème
Voila bien deux semaines, je vous en touchais un mot, ne sachant si j'en viendrais à bout.
Finalement, la chose est faite, et c'est avec plaisir que je peux vous conduire – tel Virgile menant Dante jusqu'aux portes du Paradis[1] – jusqu'à la traduction de ce poème latin qui chante le Christ sauveur.
Bon, je le sais bien, il n'est guère dans mes usages de mentionner Virgile sur ce blog. Pourtant, il le faut bien, puisque c'est précisément une des particularité du poème de Dame Proba, cette noble romaine (bon elle n'était pas à Rome, mais en Etrurie) : elle puise a pleines mains dans les vers du poète de Mantoue afin que, transfiguré par son chant Virgile célèbre le don sacré du Christ.
En clair (mais j'en ai déjà parlé là) le poème de Proba Falconia est un centon : une sorte de patchwork de phrases prises toutes au même auteur. La chose peut sembler étrange, mais si l'exercice est difficile, le résultat n'est pas déméritant.
A titre de hors-d'œuvre, je glisse ci-dessous son épisode du "Jeune homme riche", en espérant qu'il vous donnera le goût d'y aller voir de plus près.
Or, à ce moment, tandis qu'Il annonçait ces mille événements effroyables,
Arriva un homme au visage enfantin, où cependant se lisait déjà l'adolescence,
Un jeune homme riche, dont les talents florissaient à l'écart des affaires, selon ses inclinations.
Il possède cinq troupeaux de bêlantes brebis, et cinq troupeaux
De gros bétail; sans rien acheter, il chargeait sa table de mets.
Sur l'heure, il s'avança vers Lui, tendit les deux paumes,
Embrassa Ses genoux et Lui adressa ce discours empli d'amitié:
« O Toi, plein de gloire, Toi à qui revient en toute justice, la plus grande part de notre renom,
Je viens me réfugier près de Toi et j'implore en suppliant Ta divine assistance.
Déjà, en mon esprit, j'ai tout anticipé et j'ai intérieurement tout mené à terme.
Délivre-moi des maux, Toi l'invicible! Que me reste-t-il à faire?
Quelle conduite dois-je tenir pour surmonter de si grandes épreuves?
Reçois ma foi et donne-moi la Tienne: ma loi sera de prendre Tes ordres.»
Le héros lui fit cette réponse, en peu de mots:
«O brillant jeune homme, laisse-là ces prières:
Tu n'as rien à regretter car, Mon ami, tu n'as renoncé à rien.
Je t'en dirai davantage, puisque Je te crois de bonne volonté
Apprends de Moi, enfant, à mépriser les richesses et à te rendre par là, toi aussi,
Digne de Dieu; ainsi, tu connaîtras de quelle force est ta vertu.
Tends la main au malheureux et, frère, n'abandonne pas ton frère.
Celui qui te demande hospitalité, reçois-le, offre-lui l'hospitalité souhaitée.
Que ta demeure, dans la chasteté, devienne l'asile de l'humilité! Eh bien, coupe court
A ces indolents atermoiements! Viens, sans crainte de la pauvreté!»
Telle fut la réponse. Le jeune homme, à ces mots, détourna ses pas,
Avec une infinie tristesse; son visage revêtit une étrange pâleur,
Puis, tout en gémissant longuement, il se déroba et disparut aux regards.
Ah, ça y est, vous voila alléchés…
Grâce à la bienveillance de Mme CAZES qui m'y a autorisé, j'ai mis sa traduction de ce "centon", flanqué d'une petite présentation à ma façon sur ma page Academia : il ne vous reste plus qu'à télécharger ce document.