Rude journée !
/image%2F0734278%2F20201011%2Fob_827a38_jamesicon4.jpg)
Quel rapport y a-t-il entre Mar-Ya'koub al-Mouqqata', chrétien perse martyr en 421 et Louis XV qui régnait sur la France en 1757 ?
À priori aucun.
Pourtant c'est un événement, ou plutôt une tragédie, ayant eu lieu sous le règne du second qui a éclairé (pour moi tout au moins) les conditions de la mort du premier.
Parce qu'enfin, lorsque j'ai lu, dans les Actes des martyrs d'Orient, les tortures inouïes qui nous étaient rapportés de St Jacques l'intercis (c'est comme ça qu'il a été appelé en Occident, "Jacques le découpé"), j'ai eu un peu de mal à y croire1. En effet, il fut – nous rapporte la chronique syriaque – condamné à se voir "couper tous les membres les uns après les autres, d'abord les doigts des pieds et des mains, puis les bras, puis les jambes et les cuisses, et enfin la tête". Rien que ça !
Mais peut-on réellement survivre tout au long d'un tel supplice ?
Aussi, pour tout dire, j'avais plus ou moins mis dans un coin de ma tête ce récit sur le compte des amplifications rhétoriques, même si nombre d'églises en Orient témoignent de la vénération dont St Jacques le Mutilé fut l'objet.
Oui mais voilà.
C'était sans compter le petit coup de canif reçu par Louis XV !
Comment, vous ne voyez pas le rapport ?
Allons, faites un effort... Lorsque Robert-François Damiens, ce valet à la tête aussi fragile qu'échauffée vint frapper le roi de France d'un coup de couteau, à la mode de Ravaillac, en ne lui occasionnant qu'une blessure minime...
Vous n'y êtes toujours pas ?
Bon. Après de sévères séances d'interrogatoire, Damiens fut condamné à être "tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le dit régicide, brûlée au feu de soufre, et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux". Or, ledit Damiens survécut à ses supplices plus de deux heures durant, et n'expira qu'à l'arrachage du dernier membre, le bras droit (et encore, les bourreaux avaient obtenu à grand-peine de pouvoir lui sectionner les tendons pour "faciliter" l'arrachement).
Or si Damiens, dont le cas est bien documenté, n'est morts qu'après avoir eu ses quatre membres arrachés après moultes tortures, Mar Yakoub a bien pu subir tout au long son martyre…
Et je me souviens que, lorsqu'on lui a annoncé – le matin de son exécution – ce qui l'attendait, il a eu ces mots : "La journée sera rude !"
Oui, "rude"… ce doit être le mot juste.
Notes :
1La traduction française se trouve donc p 189 dans l'édition déjà signalée