Yodel à l'âme.

A défaut de faire des choses sérieuses (comme me plonger dans un article pourtant aussi savant qu'intéressant sur les homélies attribuées à St Macaire qui m'a été envoyé d'Egypte pour relecture), je divague dans des méandres numériques, à écouter... du yodel.
Il y a, dans cette manière de forcer la glotte à passer de la basse à la voix de fausset, quelque chose de primesautier, de quasi printanier, et pour tout dire d'alpestre qui fait du bien à l'âme.
Et, en ce moment, mon âme en a bien besoin.
Du "divertissement" comme dirait mon bon ami Pascal, avec au fond de la voix une légère intonnation de reproche, ou au moins de tristesse.
Ce n'est pas faux... mais le divertissement – outre qu'il est un antidote à trop se prendre au sérieux – peut nous ramener au coeur de notre âme.
Et de fait, passant d'une vidéo à l'autre, je tombe sur un titre étonnant enregistré en 1974 par Wanda Jackson : "Jesus put a yodel in my soul"... "Jésus a mis un yodel dans mon âme".
Si je m'attendais !
Un chant de reconnaissance au Christ sauveur sur le thème du yodel.
Les paroles sont dans la veine des cantiques protestants, mais j'imagine mal une assemblée chantant ensemble la tyrolienne, au risque d'une abominable cacophonie.
N'importe ! J'aime l'idée de mélanger des paroles de foi avec une musique profane.
Oh, je sais bien que certains tiqueront : ce n'est pas vraiment dans l'usage.
Cela me rappelle cette période1 où l'hymnographie chrétienne commençait à se développer, où l'on s'est mis à chanter non plus seulement les Psaumes ou les hymnes antiques, mais de fort longs poèmes très élaborés, construits sur modes antiques, à grand renfort de vers iambiques, élégiaques ou homériques. Certains s'en donnaient à coeur-joie, faisant des prouesses d'érudition, cumulant les épithètes grandiloquentes, les néologismes étonnants, les subtilités dogmatiques, les allusions identifiables des érudits seuls2. Et face à ce déferlement de complexité littéraire, de braves moines ronchonnaient un peu, jugeant que si ce genre de divertissement peut bien être – pourquoi pas – utile pour des laïcs, il n'est certes pas pour des moines. Non, jamais de telles récitations ne trouveraient leur place dans la prière des moines ; ce seraient indécent !
Bon, en fait, ces compositions sont pleinement entrées dans la prière de l'Eglise et retentissent sous les voûtes des monastères de Grèce de Russie et d'ailleurs.
Comme quoi...
Ceci étant, je ne prétend pas qu'un jour on se mettra à yodeler durant la Divine Liturgie (et franchement, ça m'étonnerait !), mais ça m'a fait du bien de tomber sur cette chanson.
Ça me met un petit yodel au coeur...
1Les curieux liront avec intérêt l'étude de Frøyshov "La réticence à l’hymnographie chez des anachorètes de l'Egypte et du Sinaï du 6e au 8e siècles" que l'on trouve même sur Academia
2Tout ça en grec, bien sûr. Juste, à titre d'exemple, je repense au "Canon pour la Pentecôte", attribué à St Jean Damascène un des trois canons en vers iambiques en usage dans l'Office : une pure merveille... et un casse-tête absolu pour le traducteur qui voudrait en restituer toute la richesse !