En lisant Méthode d'Olympe

Dernièrement[1], je suis tombé sur le "Traité du Libre Arbitre" de St Méthode d'Olympe, que je me suis mis en devoir de lire et de numériser.[2]
Et là, surprise ! Sous le calame de l'évêque de Patare[3], je lis
"Imaginons en effet un ennemi qui dissimule sa haine : il a l'intention cachée de plonger dans le malheur celui qu'il déteste, mais il ignore la manière de nuire grâce à laquelle il pourra réaliser son dessein. Il apprend qu'un homme habile dans l'art de la médecine a prescrit à son prochain, à savoir à celui à qui il voulait nuire, le régime qu'il doit suivre pour avoir la santé : soit qu'il lui ait fixé le moment qui seul convient pour prendre de la nourriture, soit qu'il lui ait interdit divers aliments, ou bien qu'il lui ait ordonné seulement de s'abstenir d'un aliment déterminé. Et lui, dès qu'il est muni de ces renseignements, se présente chez cet homme en simulant l'amitié ; il accuse le médecin de lui avoir prescrit un régime nuisible, il lui conseille le régime opposé à celui du médecin, il le convainc, et ainsi il lui nuit. Il ne connaissait pas auparavant la manière de nuire, mais c'est, la prescription du médecin qui la lui a apprise."
Saperlotte ! J'ai déjà lu ça sous d'autres plumes, en d'autre langue !
Pour être précis, c'est chez mon cher Abu Qurrah, dans son "Traité sur l'existence du Créateur" que l'on trouve ce thème, nettement plus développé.
Un homme "innocent", descendu de sa montagne où il n'avait jamais côtoyé personne dut un jour se rendre dans la vallée. Là, ayant rencontré tour à tour des païens, des mazdéens, des samaritains, des juifs, des chrétiens, des manichéens, des marcionites, Bardesane et finalement des musulmans – qui tous lui dirent qu'eux seuls possédaient la vraie religion. Ainsi perplexe, il se mit en recherche d'une voie de discernement.
C'est là que, se mettant à méditer, il imagine l'histoire d'un prince malade, à qui son père fait parvenir un billet contenant le moyen de se soigner. Mais un serviteur du roi – désireux de lui causer du tort – fait envoyer au prince, avec la signature falsifiée du roi, d'autres billets avec des prescriptions inappropriées, voire totalement néfastes. Le prince (l'homme) doit alors avoir recours à un médecin (la raison) pour discerner laquelle de ces ordonnances (religions) vient bien du roi (Dieu) pour en tenir compte, et rejeter celles qui proviennent du méchant serviteur (le diable).
Bon, là c'est résumé, mais il vaut la peine de lire le texte entier, que j'ai placé là. [4] (Il n'est pas très long, je vous rassure).
En fait, ce texte a eu encore une autre postérité, puisque je l'ai rencontré – quelque peu modifié – dans le Dialogue du moine Jirji ! [5]
A vrai dire, j'ignore si Abu Qurrah a pris cette idée directement du texte de Méthode, ou si le thème s'était répandu entre temps, mais il y a bien continuité entre les deux.
[1] Grâce aux bons soins de Roger Pearse.
[2] Du coup, je devrais rapidement pouvoir mettre un pdf bien pratique en ligne.
[3] Méthode d'Olympe, ou de Patare, qui, rappelons-le, mourut martyr aux environs de 310.
[4] L'article de Monot, qui reprend aussi le début du texte se trouve ici.
[5] C'est ce que j'ai appelé le "Mathal du roi, du prince et du médecin"