Chez St Nicaise.
Il m'arrive, parfois, de passer dans le coin et, lorsque j'en ai la possibilité, je m'arrête dans la cathédrale. Modeste cathédrale, il est vrai, plus petite que bien des églises, en fait. Oui, mais elle conserve la mémoire de St Nicaise.
Je vois que le nom ne vous dit rien. Nicaise, le seul évêque gaulois présent au Concile de Nicée, en 325. A vrai dire, on se demande un peu comment cet obscur évêque d'un modeste diocèse des Gaules se retrouva dans les environs de la nouvelle capitale de l'Empire, à plus de 2 000 km de son évêché au moment idoine. Pourtant la liste des évêque signataire l'atteste : "Γαλλίων : Νικάσιος Δουίας" Pour les Gaules, Nicaise "Douias". Identifier le diocèse en question est resté conjectural, mais la probabilité qu'il s'agisse de "Die" est la moins mauvaise.
Bref, toujours est-il que cette petite cathédrale, qui n'est plus le siège d'aucun diocèse, rappelle obstinément – quoique discrètement – l'importance de ce Concile par une modeste inscription sous une statue en plâtre de l'évêque.
Pourtant, à chaque fois que j'entre dans cette église, c'est comme un crève-cœur : passées les premières portes, dans l'espèce de vestibule sous le clocher, je fais face à la porte d'entrée proprement dite, surmontée d'un linteau sculpté, qui représentait le Christ en gloire. "Représentait" car les nobles défenseurs de la Liberté[1], il y a deux siècles de cela, ont détruit à coup de marteau tous les visages. Haine, quand tu nous tiens...
L'intérieur est un peu froid, ce qui bien sûr n'empêche pas de prier, mais n'incite quand même à s'attarder. Sur le point de ressortir, je jette un oeil désabusé vers la paperasse qui encombre une table : sempiternelles infos paroissiales, vagues revues... rien qui retienne mon attention.
Ah, si !
Des évangiles. Quelques évangiles, à l'unité, offerts.
Ainsi, cette paroisse met à disposition des visiteurs de passage les témoignages de Apôtres. Ce n'est pas si courant.
C'est même tellement peu courant que je cela attise ma curiosité. Vérification faite, c'est un "protestant évangélique" qui – avec l'accord du prêtre de la paroisse – met ces évangiles là.
Et pour le dire simplement, ça me réjouit.
Certes, d'aucuns objecteront qu'entre catholiques et "darbystes"[2], c'est le grand écart. Et que par ailleurs, en tant qu'orthodoxe, je devrais me sentir peu concerné par cela. Pourtant, et même si les manières[3] de uns ou des autres ne me conviennent pas forcément, "d'une manière ou d'une autre, Christ est annoncé; et de cela je me réjouis, et me réjouirai encore", comme dit l'apôtre Paul (Phil 1.18).
Ah, au fait, le cadran solaire en haut de ce billet se trouve à l'arrière de cette cathédrale...
Notes :
[1] A moins qu'il n'aient été que des barbares...
[2] Ils détestent ce terme et ne l'emploient jamais, se désignant toujours comme "assemblées de frères". Si je m'emploie, ce n'est pas comme un quolibet, mais parce que c'est comme cela qu'on les appelle dans la région. Il se trouve que la personne qui dépose ces évangiles est d'une "Assemblée".
[3] manières, doctrines, options liturgiques ou théologiques...