Reconnaissance
Il y a environ un an, j'indiquais que l'entreprise pour laquelle je travaillais avait été vendue, mais – du moins l'espérai-je – cela ne devait pas changer grand chose.
Las ! Ce fut une hécatombe.
Le nouveau propriétaire – flanqué de son adjoint – prit un malin[1] plaisir à déstabiliser, contredire, humilier, désorienter le personnel, en commençant par les cadres, de sorte que peu à peu les rangs se clairsemèrent : de dépression en arrêt de travail, d'arrêt de travail en démission les uns après les autres, plus de la moitié de l'équipe disparut, remplacés par des jeunots sans expérience. La tactique était rodée, mais naïfs, nul de nous n'était préparé à ce genre de "management" visant à dégager les salariés sans avoir à licencier.
Et nul ne sut réagir.
Moi non plus.
Au bout de quelques mois de ce régime, totalement dérouté, je démissionnai.
Sans la moindre compensation, sans le moindre droit. Juste, "rester en vie".
Alors, pourquoi parler de "reconnaissance" ?
Parce que, depuis cette date, je n'ai jamais manqué de travail. Curieusement, aucune de mes recherches d'emploi n'aboutit directement, mais chaque fois que j'avais un "creux" qui s'annonçait, tel ami, telle connaissance me sollicitait pour me proposer quelques jours de travail ici, quelques autres là... Et j'ai ainsi passé l'été à travailler comme un forcené (quand "on" vous a fait comprendre que vous ne valez rien, il y a une certaine satisfaction à constater que, en fait, vous êtes encore bel et bien opérationnel). Charpente, maçonnerie, entretien de jardins, nettoyage de bâtiment d'élevage, désherbage de culture...
Et un jour, alors que je me préparais à postuler à un emploi, je reçois un SMS : un ami me sollicitait pour un remplacement de 15 jours dans sa petite entreprise, un de ses employé étant en arrêt. Ces deux semaines se transformèrent en un mois et demi, puis... en CDI.
A un âge où les instituts spécialisés me prédisaient des forts nombreux mois, voire années avant d'espérer obtenir un emploi quelque peu durable.
Alors oui, reconnaissance.
Reconnaissance envers les amis et connaissances qui – sans se concerter – m'ont proposé du travail lorsque j'en avais absolument besoin.
Reconnaissance envers ceux qui – informés – m'ont soutenus par leur amitié, présence et prière.
Reconnaissance envers ceux qui, sans être au courant, m'ont sollicité avec acharnement pour des questions relatives à Abu Qurrah... ce qui m'a contraint à garder la tête hors de l'eau.
Reconnaissance envers Dame Cigale et nos deux Cigalettes qui ont supporté mon désarroi parfois accentué.
Et, oserai-je le dire,
Reconnaissance enfin, reconnaissance surtout envers Dieu qui tant par ce "timing" étonnant dans la succession et complémentarités des emplois provisoires, par les petits encouragements (comme cette icône) m'a permis de constater sa sollicitude, et j'en avais bien besoin.
Mais ce n'est jamais sans un violent pincement au coeur, pensant à ceux qui ont souffert là et à ceux qui restent encore, que je passe devant mon ancien poste de travail, maintenant à l'abandon[2].
Notes :
[1] "malin" au sens premier du terme : "Qui est enclin à faire du mal, du tort à autrui."
[2] Je n'ai vraiment compris leur "manoeuvre" qu'après avoir démissionné, lorsque j'ai appris que dès le lendemain ils avaient supprimé mon poste : c'était là leur objectif depuis le début me concernant.