Joyeux Moïse

Désolé, mais le titre de ce billet est un affreux jeu de mot en anglais*, ce qui n'a rigoureusement rien à voir avec le sujet qui oscille entre l'égyptien ancien et l'hébreu.
Il y a bien longtemps que l'explication traditionnelle – qui fait appel à une étymologie hébraïque – du passage du livre de l'Exode 2.10 "elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle, je l'ai sauvé de l'eau" me semble insatisfaisante.
Non, ce nom de Moïse n'est pas hébreu, mais égyptien. Ou, pour tout dire, c'est un "fragment" de nom égyptien. Nous connaissons Ramsès, Touthmès, Iahmès... noms qui signifient respectivement "fils de Râ", "fils de Tôth", "fils de Iah"... bref "fils de telle ou telle divinité", la terminaison "MS" ou "MSS" (et les variantes Mès, Mosès, Mesès... signifiant "fils de", "enfant de".
Et Moïse ?
Ben, justement. La fille du pharaon l'appela "Mosé" (en hébreu, c'est "Moshé" : "מֹשֶׁה") parce qu'elle l'a sauvé des eaux. Elle l'appelé "fils de..."
Fils de qui ?
C'est là que je hasarde une hypothèse : la divinité tutélaire du Nil, c'était Hâpy, le dieu replet de l'abondance. La fille du pharaon ne l'aurait-elle pas appelé Hâpymosès, "fils de Hâpy" ? A moins qu'elle n'ait préféré Sobek, le dieu crocodile, ou quelque autre divinité liée à l'eau, au fleuve, au Nil ?
Soit, me direz-vous, mais alors, pourquoi n'en a-t-on aucune trace ? Pourquoi Mo¨se n'aurait-il pas gardé son nom et l'aurait-il tronqué ?
Des années plus tard, Moïse ayant du fuir la cour égyptienne se retrouve dans un coin perdu du désert de Madian (à bonne distance donc de son Egypte natale) où Dieu se révèle à lui dans un buisson qui brûle sans se consumer.
Là, il prend conscience que les divinités de l'Egypte ne sont, au final que des illusions, que seul est véritablement Dieu celui qui s'est révélé à lui sans lui dire son nom**. Alors – et c'est là que je poursuis mon hypothèse – s'il est bien un "enfant devant sa vie à une divinité" (MSS), cette "divinité" ne peut certes pas être Hâpy ou quelque autre idole. Et comme Dieu ne lui indique pas par quel nom l'appeler il gardera cet indicibilité : il sera "enfant de ...".
Je ne sais pas ce que vaut cette hypothèse, mais je pense qu'elle n'est pas totalement aberrante.
Notes
* Pour les absolument non anglophones et définitivement rétifs à cette langue (il en existe, j'en suis certain) – et uniquement pour ceux là – j'explique le jeu de mot. Mon hypothèse "Hâpymosès" est proche de l'anglais "Happy Moses", ce qui se traduit par "Joyeux Moïse".
** Pour mémoire, lorsque Moïse (voir Exode 3) demande à Dieu "dis-moi ton nom", Dieu lui répond, énigmatique, "Je suis qui je suis". De sorte que Moïse va employer la formulation "Il est" pour en parler aux Hébreux...
*** Heu, l'illustration est, bien sûr, en lien avec la "traversé de la Mer Rouge à pieds sec"...